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Les Misérables de retour au pays

Vingt-cinq ans après la création en version anglaise de la comédie musicale d' et , créée cinq ans plus tôt en français au Palais des Sports, la partition prend aujourd'hui tous les airs d'un palimpseste.

Comme l'écrit le producteur Cameron Mackintosh, «Over the years, every note and word of the score and libretto has been refined by us all». Au texte français original d' et Jean-Marc Natel, il faut désormais substituer les paroles anglaises d'Herbert Kretzmer et le matériel additionnel de James Fenton. Aux orchestrations originales de James Cameron pour la musique de , il faut superposer les nouvelles orchestrations de Chris Jahnke et les orchestrations aditionnelles de Stephen Metcalfe et Stephen Brooker. Cette nouvelle production du vingt-cinquième anniversaire, qui fait une escale d'un mois et demi au Théâtre du Châtelet au sein d'une vaste tournée internationale, plus qu'une nouvelle production, est elle aussi la superposition d'une nouvelle mise en scène de Laurence Connor et James Powell sur la production londonienne originale adaptée et mise en scène par Trevor Nunn et John Caird.

Alors que l'on nous promettait une mise en scène plus raffinée et attentive aux détails psychologiques, force est de constater une certaine vulgarité (le tableau «Lovely Ladies») et que l'absence du mythique plateau tournant est assez frustrante. Ceci posé, le spectacle conserve une indéniable efficacité, un rythme haletant dans la succession des tableaux et de belles pages musicales qui n'ont pas vieilli. Les deux principaux atouts du spectacle concernent le renouvellement du décor et la distribution. L'intégration de nombreux dessins de Victor Hugo en guise de fonds de décor confère au spectacle une beauté gothico-romantique qui nous plonge d'emblée dans l'univers d'un de nos plus grands romans et sauve le tout du basique divertissement à la Walt Disney qu'évoquent notamment des costumes peu travaillés. Des procédés cinématographiques en font des décors en mouvement assez spectaculaires et en particulier lors de la traversée des égouts. La mise en lumière très subtile de Paule Constable contribue fortement à la création d'atmosphères, avec une scène maritime saisissante dans le prologue. D'une distribution homogène, on retiendra en premier lieu l'époustouflante prestation de , grand habitué du rôle et considéré comme son meilleur titulaire, avec une voix bien timbrée et un charisme exceptionnel en scène. Un «Bring him home» sur le fil, délicate parenthèse après l'agitation des barricades qui nous montre un Jean Valjean magnifique, implorant Dieu de laisser la vie sauve au jeune Marius, constitue un moment d'une rare émotion. Rosalind James se taille aussi un beau succès avec son Eponine à fleur de peau, bluesy dans la voix comme dans l'incarnation, amoureuse du très beau Marius de Luke Kempner qui n'a d'yeux que pour la Cosette naïve de Katie Hall. Il faudrait citer l'ensemble d'une équipe bien rodée, l'inquiétant Javert d'Earl Carpenter, l'évêque humaniste de David Lawrence et le flamboyant Enjolras de Jon Robyns.

Alors on se dira bien sûr que ce spectacle accueilli au Châtelet n'a pas la finesse des créations maison (tour à tour cette année The Sound of Music, A Little Night Music et Magdalena nous ont séduits, éblouis, émus), encore que le deuxième acte recèle de beaux morceaux, tel cet «Empty chairs at empty tables» où Marius se demande si le sacrifice de ses amis aura été vain ou encore la mort d'Eponine, mais que ce musical à succès reste une machine d'une redoutable efficacité, avant de nous laisser gagner à l'émotion suscitée par les situations imaginées par Hugo.

Crédit photographique : (Jean Valjean) © Michael Le Poer Trench

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