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L’intégrale Mahler polonaise, la revanche des artisans !

Alors que l'avalanche mahlérienne des anniversaires 2010 et 2011 n'est pas encore à son paroxysme, Naxos a la bonne idée de regrouper en coffret son intégrale Mahler « polonaise » gravée au cours des années 1990 et 2000.

La particularité de l'entreprise est d'être découpée entre plusieurs chefs : est en charge des symphonies n°2, n°3, n°4, n°5, n°6, n°8 et n°10 (Adagio) ; règle le cas des symphonies n°1, n°7 et n°9. Quant à , il dirige une édition de la symphonie n°10 dans la version de Jœ Wheeler. Ces chefs sont à la tête de l'orchestre national de la radio polonaise ou de l'orchestre philharmonique de Cracovie.

Timidement accueillies par la critique à leur sortie dans un contexte de pléthore d'intégrales : Abbado (DGG), Sinopoli (DGG), Bertini (EMI), Rattle (EMI), Haitink (Philips), Chailly (Decca), ces versions étaient tombées dans l'oubli. Pourtant, à la réécoute, elles s'imposent comme d'excellentes surprises ! On ne se souvenait même pas de si belles symphonies n°1, n°2, n°3 et n°4 !

Les chefs imposent un Mahler assez terrien, un peu rustaud et bourru, plutôt mesuré dans ses tempi mais qui touche par sa sincérité, son sens de la construction et son énergie. À l'inverse de galettes récentes, ce Mahler vient du cœur et ne cherche pas à démontrer des tonnes d'intentions ou à faire reluire les moindres détails de la partition ou des pupitres de l'orchestre.

Au rang des grandes réussites, il faut placer les symphonies n°1 et n°8. La « Titan » flatte l'oreille par sa saine respiration et son sens du drame (le chef a aussi la bonne idée d'ajouter le mouvement Blumine !), quant à la symphonie « Des mille », elle séduit par le brio du chef qui galvanise les forces instrumentales et chorales.

Du côté des déceptions, il faut placer une symphonie n°7 trop neutre et rectiligne et une symphonie n°9 qui traîne la patte dans les mouvements centraux, trop lents et pas assez cursifs.

La symphonie n°10, annexée à cette somme, est plutôt décevante par le survol de la partition. Rattle (par deux fois pour EMI) et Chailly (Decca) pourtant peut être moins tatillons sur les intentions supposées du compositeur et dans le choix de l'édition utilisée, allaient plus loin dans l'exploration du vécu.

Toutes les autres symphonies évoluent dans une tranche haute de la discographie, même si l'on peut toujours trouver mieux isolément. Les difficiles symphonies n°2 et n°3, avancent avec tensions et précision, sous une baguette qui sait conjuguer élan et sens des couleurs.

Les orchestres polonais, plus râpeux que les formations d'Amsterdam, de Londres ou de Vienne que l'on entend à profusion, ne déméritent pas et relèvent crânement le défi ! La technique des pupitres n'est jamais prise à défaut alors que les teintes plutôt brutes des phalanges renvoient à l'esprit conquérant des pionniers mahlériens mais avec un fini instrumental autrement plus léché.

Dans le segment économique, ce produit à toutes ses chances de trouver des auditeurs. Il surclasse aisément le coffret Inbal (édité par Brilliant) qui lui a beaucoup plus mal supporté l'épreuve du temps.

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