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Ilian Garnetz et Alina Bercu, comme un coup de foudre

Certaines rencontres musicales sont comme des coups de foudre. Quelques notes suffisent pour que les musiciens comprennent qu'ils sont sur la même longueur d'onde.

Ainsi Clara Haskil et Arthur Grumiaux se rencontrèrent au hasard du Festival de Prades et après quarante-cinq minutes de répétition, formèrent un des plus beaux duos de leur temps dans Beethoven et quelques Mozart. et (finaliste du concours… Clara Haskil !) semblent s'être également trouvés par hasard (?) -grâce à l'entremise du chef d'orchestre Misha Katz- pour former un duo exceptionnel. En mettant ce disque sur la platine, on pourrait penser que l'on se prépare à écouter une démonstration de force de Garnetz, troisième prix du Concours Musical International Reine Elisabeth de Belgique en 2009, mais en réalité on assiste, dès les premières notes de la Sonate en la mineur de Schubert, à un sublime moment de musique de chambre. Comme on cajole un être aimé, Garnetz enveloppe cette musique d'une douceur indescriptible (le chant du premier thème de l'Allegro moderato !). Quelle humanité dans cette sonate qui, malgré quelques stéréotypes formels, est d'une rassurante beauté. Le dialogue entre les deux instrumentistes est permanent et agencé avec une musicalité hors du commun. Et la sonorité du violon de Garnetz d'être sucrée sans tomber dans le sirupeux.

La Sonate pour violon solo n°3 d'Eugène Ysaye est dédiée à Enesco d'où, probablement, son caractère rhapsodique. Garnetz ne la réduit pas à un exercice de virtuosité démoniaque –quoique les dernières mesures soient vraiment impressionnantes- mais lui donne un relief particulier. Cependant, s'il feint un sentiment de formidable liberté, on sait que les doubles, triples ou quadruples cordes (voire plus (1) !) de ces pages demandent une rigueur de jeu d'archet qui, en plus de l'harmonie -aux limites du système tonal- confère toute sa tension à la musique. Avec une telle vision musicale et structurelle, le violoniste moldave nous ravirait en gravant une intégrale de ce recueil qui est beaucoup trop sous-représenté par rapport aux caprices de Paganini, pourtant moins intéressants.

La Sonate enmineur op. 108 de Brahms est également très réussie même si elle ne parvient pas à renouveler le miracle schubertien du début du récital. Malgré de nombreuses bonnes idées, l'interprétation semble un rien moins naturelle, ce qui n'empêche pas quelques moments exquis (quelques enivrantes sonorités du développement de l'Allegro initial, la reprise du premier thème dans l'Adagio) et très intenses (le premier thème du Presto agitato). On appréciera particulièrement la manière si subtile dont la pianiste joue avec l'harmonie et la façon dont elle peut nous faire languir en retardant l'entrée ou la résolution de tel ou tel accord. Les débuts discographiques de ces deux instrumentistes à la tête bien faite sont plus que prometteurs. A suivre. Absolument !

(1) Ysaye va jusqu'à demander des accords de six sons. Le violon n'ayant que 4 cordes –qu'il est déjà impossible de faire sonner en même temps, à cause de la forme du chevalet- un tel accord implique un «aller-retour» de l'archet.

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