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Une nouvelle approche de Franck à l’orgue

Dans la carrière d'un organiste, l'enregistrement de l'œuvre de reste un moment privilégié, un peu comme pour Bach. Chacun souhaite apporter le fruit de ses réflexions sur des pièces souvent jouées et mûries depuis bien des années. C'est cette impression que nous ressentons ici d'emblée avec une grande et belle version de ces 12 pièces pour grand orgue. Le discours est puissant, mesuré dans les tempi, s'appuyant sur une pâte sonore des plus intéressantes. L'orgue de Dudelange n'est certes pas un Cavaillé-Coll, comme on l'attendrait, tant l'œuvre de Franck est inféodée à ce type d'orgue qu'il joua lui-même si longtemps à Sainte-Clotilde à Paris. Pourtant l'illusion est de taille, car, à quelques détails près, l'orgue de Dudelange édifié par un disciple de Merklin, autre grand facteur français du XIXe siècle, et agrandi récemment, sonne magnifiquement dans ce répertoire. L'utilisation de est remarquable, évitant tout débordement néo-classique, à grand coups de mixtures et de couleurs étrangères.

Les plans sonores sont respectés, le clavier de récit occupant une place d'importance, avec ses anches omniprésentes, un peu fortes par endroits, mais en général bien fondues dans la masse des jeux de fond.

On sait le problème de la registration chez Franck assez épineux : première édition de Durand format à la française déjà corrigée par Eugène Gigout avant même sa parution, particularismes de l'orgue de Sainte-Clotilde dont il faut tenir compte pour ailleurs d'où sans doute l'intervention de Gigout, et certaines pièces ayant fait l'objet de remaniements sonores pour l'inauguration de l'orgue du Trocadéro (Pièce héroïque, Cantabile et Fantaisie en La). Le discernement est de rigueur et bien présent dans cette nouvelle version.

L'orgue est capté de manière véridique, à distance, sans aucun brouillage acoustique, c'est le métier et le grand talent de Bernard Neveu qui à chaque album et en fonction des esthétiques diverses des orgues, sait trouver le juste équilibre.

Du coup, avec un tel décor, peut développer un jeu très « romantique », les accents sont larges, les grandes phrases prennent leur temps, à aucun moment la virtuosité prend le dessus, gardant intacte l'intériorité de cette musique : Ceci est sensible en particulier dans les trois chorals et la grande pièce symphonique.

La discographie de cette œuvre est certes pléthorique, cependant cette nouvelle parution se place parmi les meilleures, dans le souvenir d'André Marchal, d'André Isoir, de Jeanne Demessieux, de Daniel Roth ou plus récemment de Joris Verdin.

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