- ResMusica - https://www.resmusica.com -

Dudamel face au Sacre

Alors qu'il vient de boucler sa première saison comme directeur musical de l'Orchestre philharmonique de Los Angeles, le bouillant n'aura pas été épargné par les critiques étasuniens. À l'occasion d'une tournée du chef et de son orchestre dans les grandes villes des USA, nos confrères ont pointé un manque de profondeur musicale et des effets bien appuyés. La presse de la côte californienne a fait bloc avec son virtuose des podiums, accusant ces critiques de l'Est du pays de faire preuve d'une jalousie déplacée. Il n'empêche, le phénomène Dudamel est rentré dans une phase où après avoir émerveillé, il doit désormais durer. Son charisme, sa technique et son style brillant conviennent bien aux œuvres spectaculaires de Mahler à John Adams, mais le jeune homme va devoir se couler dans le moule, si difficile, de Haydn, Beethoven, Mozart et Schubert qui sont aussi le quotidien d'un orchestre.

C'est dans ce contexte que nous arrive ce couplage « spectaculaire » qui oppose Le Sacre du printemps à La noche de los mayas de . On le dira jamais assez, le compositeur mexicain Revueltas est un génie oublié, l'égal d'un Stravinsky ou d'un Bartók dont la vie, éminent romanesque et dramatique, s'est achevée prématurément. Esa-Pekka Salonen, lors de ses années californiennes, avait gravé un disque définitif de ses chefs d'œuvres symphoniques (Sony). Il est de bon ton de rappeler qu'un chef comme Eric Kleiber comparait la musique de Revueltas à celle de Mahler (dans un style très opposé !).

Composée à l'origine pour un film de Chano Urueta, La noche de los mayas, est une partition en quatre parties, à l'orchestration brillante, rutilante, et explosive. Le dernier mouvement « la nuit du sortilège » rend bien la réplique à la « danse sacrale » du Sacre par son énergie éruptive et sa puissance intrinsèque ! Le chef vénézuélien se veut moins analytiquement barbare et plus sanguin que Salonen, imposant une lecture au forceps, pleine de tonus. Les jeunes de l'orchestre Simon Bolivar répondent, au doigt et à l'œil, aux sollicitations du chef et l'on relève des percussionnistes endiablés par le rythme.

Le Sacre du printemps est plus problématique. Certes, l'enthousiasme collectif et le fini orchestral ne sont pas en cause, mais la vision du chef manque de lignes et d'arrêtes. Le tonus est bien présent mais il n'est pas canalisé. Cette lecture se retrouve donc un festival de détails, parfois intéressants, mais noyés par une débauche de spectaculaire qui fait même trop « boum boum » avec un zoom sur des percussions toujours très en verve.

Le couplage, intelligent, fera certainement connaître la musique de Revueltas, mais si la lecture de La nuit des Mayas est à thésauriser, le Sacre du printemps ne peut pas s'imposer dans une discographie pléthorique.

(Visited 237 times, 1 visits today)