- ResMusica - https://www.resmusica.com -

The world on a string

Festival Pablo Casals

Il y a soixante ans, parce que le violoncelliste catalan Pablo Casals avait décidé qu'il n'irait pas au monde, c'est le monde qui viendrait à lui. C'est par ce subterfuge qu'a débuté l'un des plus fameux festivals internationaux dans le petit village de Prades où l'artiste s'était exilé pour contester la dictature Franquiste. En 1950, sous l'impulsion du violoniste Alexander Schneider, la fine fleur musicale se réunit autour du maître (Isaac Stern, Rudolf Serkin, Eugene Istomin… ) pour des concerts entre amis et depuis, la tradition se perpétue.

Sous la direction du clarinettiste , c'est aujourd'hui une même débauche de talents qui, non seulement, viennent se produire au festival mais s'installent à Prades pour la durée des festivités, s'y rencontrent et y enseignent – plus de cent élèves cette année. La citation sera difficile à tarir : Dame , , Frans Helmerson, , , Peter Frankl, Mihaela Martin, Jeremy Menuhin, …

Pas le temps de s'ennuyer avec une telle programmation. Grâce à ses mille et une collaborations artistiques et associations instrumentales mais également au répertoire varié, thématique (et pédagogique) et la succession des plus grands solistes au cours d'une même soirée.

En écho au dernier concert «Prades aux Champs Elysées», c'est Schubert qui a ouvert l'avant- dernier week-end du festival.

Le Trio n°1, par , et le grand styliste qu'est , est une explosion de joie conquérante. Le premier mouvement, fougueux, fébrile, fait découvrir trois personnalités musicales très différentes dont l'harmonie a quelque chose d'inouï. Le contraste avec l'Andante, céleste et en apesanteur alors que le violoncelle d' ose une élégie passionnée, est saisissant. Les tempi enlevés des derniers mouvements sont d'autant plus jubilatoires que le caractère y est puissamment dessiné : le Scherzo, incisif et l'Allegro vivace brodé sur la légèreté quasi dansante du jeu d'.

Dans l'Octuor pour cordes et vents, une myriade de couleurs et de tempéraments s'organisent autour du premier violon (Mihaela Martin) qui est une source prodigue de vie et de propositions communicatives : le velours de la clarinette, la délicatesse du cor, l'éclat du basson, la sensibilité attentive des basses et l'élégance des violons et alto (Dan Zhu et Nobuko Imai). Une communion exceptionnelle a permis à chaque idée musicale, attrapée au vol, de se développer aussitôt. Après un Adagio atemporel, un Allegro vivace pareil à une ronde pétillante, après le charme noble et nonchalant d'un thème et variations d'esprit viennois, … une effervescence contrôlée s'est emparée du dernier mouvement échevelé mais impeccable. A l'image du frémissement organique qui prépare le Finale, cette pléiade d'artistes d'exception s'est épanoui avec un respect de l'autre omniprésent.

Ce qu'on aime à Prades aussi, c'est le rythme. D'un soir à l'autre, les artistes et la thématique changent du tout au tout. Après Schubert, ce sera «Paris au temps de Casals». Cette diversité garantit un public attentif et nombreux. Car ce festival est non seulement un lieu de rencontres exceptionnelles entre musiciens exceptionnels mais une des meilleures réponses françaises à la question existentielle : «Comment déclencher le goût pour la musique classique». Avec ce détail presque insignifiant mais qui fait toute la différence : les meilleurs interprètes à portée de main.

Flûte, basson, hautbois puis harpe… la programmation n'oublie pas les vents en présentant un bijou de transcription – le Prélude à l'après-midi d'un faune d'Eisler – et un remarquable trio hautbois – basson – piano par les maîtres – ès finesse que sont Jean- Louis Capezzali et Carlo Colombo. La harpe vole subrepticement la vedette dans Roussel puis Ravel où le taille un écrin doré à sa délicatesse. Une émulation exaltante clôt ce programme français avec un quatuor de Fauré animé par et . La verve toute latine de leur conversation gagne au violoncelle et Jeremy Menuhin au piano – qui lui garde son touché aérien. Aucun épanchement nostalgique ne s'égare dans cette interprétation. Qu'elle médite, ou qu'insensiblement elle s'enflamme, elle s'inscrit toujours dans le présent. Chaque soir Prades devient ainsi le centre du monde.

«Schubert» sera diffusé sur France Musique le 28 septembre à 20h et «Paris au temps de Casals», le 23 septembre à 12h30.

Crédit photographique : , , Nobuko Imai, Arto Noras, Isabelle Moretti © Josep Molina

(Visited 205 times, 1 visits today)