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Riccardo Chailly d’hier à aujourd’hui

Qu'y faire ? On peine, ces dernières années, à parler de concerts du Festival de Salzbourg sans faire l'éloge de leur programmateur Markus Hinterhäuser. Les concerts du Philharmonique de Vienne ne sont certes pas le domaine où ses choix sont les plus déterminants, mais un programme comme celui-ci montre la force de conviction dont il sait faire preuve : pour la deuxième année consécutive, il a su convaincre les Viennois de programmer dans leurs concerts salzbourgeois une œuvre du compositeur contemporain ou du moins moderne choisi pour être au centre de la série Continent. L'an passé, Riccardo Muti avait ainsi joué – sans enthousiasme excessif – Arcana de Varèse ; cette année, c'est et Christoph Eschenbach qui viennent défendre la musique de .

L'orchestre, cette fois, aurait peine à résister à la musique de ce compositeur farouchement indépendant : l'œuvre choisie a en , sa dédicataire et créatrice, une avocate à laquelle on ne peut que céder. Fasciné par la capacité de la violoniste à créer dans l'aigu, même pianissimo, un son plein et riche, Rihm a écrit pour elle une œuvre qui se détourne de la virtuosité éblouissante qu'on attend d'un concerto. Dix-huit ans après la création, on ne peut que constater à la fois la justesse de la remarque de Rihm et la pertinence de la réponse du compositeur aux qualités de la soliste : on ne saurait expliquer le trésor de nuances dont le spectateur est gratifié sans ce va-et-vient. Un simple coup d'œil sur la partition suffit à convaincre de la difficulté considérable de cette partie soliste, et pourtant on ne pense jamais au mot virtuosité : ce qui est admirable, c'est qu'on en oublie cette difficulté au profit d'une musicalité constante et profondément émouvante.

La suite du programme est quant à elle beaucoup plus habituelle : les concerts salzbourgeois de l'orchestre viennois accordent depuis des années, sous les chefs les plus divers, une importance essentielle à Bruckner, présent cette année dans trois des cinq programmes présentés. donne de la Symphonie n°4 une interprétation très éloignée de la sévérité imposante de celles d'un Christian Thielemann, sans doute le plus illustre des brucknériens actuels : sans pour autant accélérer le tempo, il souligne la progression du discours beaucoup plus que l'assise architecturale, en plein accord avec le souci de fluidité du compositeur au fil des révisions de l'œuvre.

L'orchestre répond largement à ce dessein, et le spectateur obtient la part de cordes impalpables et grisantes à laquelle il a été habitué par ces musiciens d'exception. Les cuivres sont au même niveau de perfection instrumentale, mais leur sonorité laisse quelque peu interrogateur : ce son couvert, tout droit sorti d'interprétations beaucoup plus monumentales, n'est sans doute pas le plus pertinent pour la lecture diachronique de Chailly et vient parfois amoindrir l'efficacité des progressions dramatiques : réserve sans doute bien pointilleuse, mais qui n'en fait pas moins écho à quelques critiques structurelles parfois adressées à un orchestre dont la supériorité mondiale n'est plus incontestée.

Crédit photographique : © Wolfgang Lienbacher

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