- ResMusica - https://www.resmusica.com -

Archéo-Bruckner ou redécouverte musicologique majeure ?

L'encombrement de la discographie des symphonies de Bruckner conduit les artistes et éditeurs à privilégier les versions «originales» ou les éditions «rares» de ces symphonies. Après Kent Nagano (Sony) qui jouait la version originale de 1874, nous offre l'édition 1888.

Il existe trois versions de cette symphonie n°4 : l'une de 1874, l'autre de 1878-1880, la plus souvent jouée et enregistrée et cette édition 1888. Cette dernière était encore populaire à la haute époque des interprétations du Maître de Linz et des chefs comme Furtwängler ou Knappertsbusch, la pratiquait avec assiduité. Elle correspond à une époque où, considérée comme incompréhensible, la musique de Bruckner avait été «retouchée» par des musiciens bien intentionnés mais sacrilèges : les frères Schalk et Ferdinand Loëwe. À partir des années 1930, le retour aux sources et l'apparition des éditions Robert Haas et Leopold Nowak renvoya aux oubliettes ces matériels alors que certains musicologues jetèrent l'opprobre ces partitions trafiquées !

Le musicologisme intempestif de ces dernières années, amène à reconsidérer ces éditions car Bruckner, apporta lui-même certaines modifications. C'est le cas de cette symphonie n°4 que le professeur Benjamin Korstvedt, de l'université de Worcester, s'est évertué à faire revivre et qu'il défend, avec talent et érudition, dans la notice de présentation.

Les différences avec la version 1878-1880 sont plutôt secondaires, mais assez souvent audibles, même sans avoir la partition sous les yeux. L'essentiel consiste à des changements dans les nuances et l'orchestration, surtout dans les passages instrumentés de manière touffue où le compositeur a ajouté certains effets.

Le musicologue s'est trouvé un défenseur de choix en la personne d'. Le chef finlandais était déjà l'auteur d'une fort belle symphonie n°3 (Hyperion) et construit un Bruckner à la fois attentionné et allant. Le travail sur les dynamiques et les timbres favorise une interprétation intéressante qui cherche à jouer des contrastes entre les thèmes et à soigner les dynamiques. Ce Bruckner regarde plutôt vers sa jeunesse et se souvient des symphonies de Beethoven et de Schubert. C'est très bien, mais tout compte fait pas franchement déterminant par rapport aux grandes interprétations de Jochum (EMI), Wand (RCA), Sinopoli (DGG), Böhm (Decca), Haitink (Philips).

De plus, on peut être un brucknérien passionné et vivre sans cette édition 1888, plutôt documentaire à nos yeux.

(Visited 129 times, 1 visits today)