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Andris Nelsons en casse sa baguette

Rheingau Music Festival

Dans la série des festivals allemands peu connus dans les pays francophones, le Rheingau Music Festival mérite un gros plan. D'une durée d'un peu plus de deux mois, cette manifestation occupe toute la région du Rhin, autour de Wiesbaden, siège principal du festival avec sa magnifique salle Friedrich-von-Thiersch du casino ! Les concerts se déroulent simultanément dans différents lieux historiques de la région : monastères et châteaux et bénéficient du sponsoring des nombreuses entreprises allemandes du Land de Hesse. Ce qui garantit une affiche de stars mais aussi de belles prises de risques.

La programmation offre une large place aux artistes et orchestres allemands mais accueille aussi des tournées, comme cette escale du et de son directeur musical . Le chef prenait ainsi quelques jours de congés de Bayreuth où il dirige Lohengrin, mais pas sans un peu de Wagner avec le «Prélude» de cet opéra ! Très maîtrisée, sa lecture, assez lente, se veut fluide et narrative, exactement comme il faut ! Dans la symphonie du «Nouveau Monde», montre l'étendue de ses ressources musicales et de sa faculté à transcender son orchestre. En digne élève de Mariss Jansons, il emporte tout son monde dans un tourbillon musical que peu de chefs, même bien plus expérimentés, parviennent à déchaîner. Le musicien est tout autant capable de changement de tempi à l'intérieur des mouvements, que de mettre l'accent sur des instruments dans les passages en tutti. Les deux derniers mouvements sont ainsi spectaculaires et ultra-rapides mais enthousiasmants d'énergies. C'est assurément la marque des maîtres, même si on suppose qu'en écoute en aveugle, l'oreille serait assez irritée de certains «tics de chef». La ressemblance avec le grand Mariss Jansons est flagrante dans une gestique très en avant qui ne ménage pas son corps ; dans un enchaînement de thème du finale, casse même sa baguette ! L'orchestre de Birmingham, que l'on avait pas entendu en concert depuis l'ère Simon Rattle, apparaît comme une valeureuse formation mais certainement pas irréprochable en termes de précisions et de technique. La sonorité est neutre et certains pupitres, surtout dans les vents, manquent de netteté et de personnalité !

Mais le clou du concert résidait dans l'interprétation du concerto «Frozen in Time» d'. Ancien élève de à la Julliard School de New York et lauréats du prix «ASCAP Young Composers Awards», le compositeur fait tout exploser, aidé par l'incroyable percussionniste autrichien . Limités en terme de possibilités expressives, les percussions sont dépourvues de concerto de grande qualité. Même les œuvres de compositeurs un peu majeurs (on pense au concerto pour batterie de ) sont des partitions de seconde zone. a compris que pour dépasser ces limites, il fallait casser la baraque et c'est ce qu'il fait avec un panache qui embrasse toute l'histoire de la musique du XXe siècle : du jazz aux musiques indonésiennes sans oublier des réminiscences de Bernstein. Jouant plusieurs instruments à la fois, passant des tambours au glockenspiel, sans oublier la grosse caisse, dépasse toutes les limites de la virtuosité et scotche le public à son fauteuil. Au terme de vingt minutes de performance, soliste, orchestre et chef sont ovationnés comme jamais pour une partition de musique contemporaine !

On retiendra donc de ce concert, outre la magnifique acoustique de la salle, le tonus d'un chef, la virtuosité d'un percussionniste et un concerto à programmer d'urgence dans les salles du monde !

Crédit photographique : Andris Nelsons/Andrisnelsons. com

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