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Un Mahler de plus, sans plus

Coïncidence de la programmation parisienne, , successeur de Valery Gergiev à la tête du Philharmonique de Rotterdam, suit de près son prédécesseur qui officiait Salle Pleyel quelques jours plus tôt, dans une autre symphonie de Mahler. Pour faire comme tout le monde, au risque de surdose mahlérienne dont nous ne sommes pas sortis, puisqu'après 2010, année du 150ième anniversaire de la naissance du compositeur, 2011 sera celle du centenaire de sa mort, le chef nous propose sa vision de la Symphonie n°2 «Résurrection» dans une salle loin d'être pleine, l'affiche Rotterdam Nezet-Seguin, certes moins prestigieuse que les voisins Amsterdam Jansons et peu aidée par une programmation peu favorable un dimanche soir à 20h, n'ayant manifestement pas soulevé les foules.

Justement, autre coïncidence, la chaîne Mezzo HD diffusait dans l'après midi le concert Amsterdam Jansons avec la même symphonie, donné à Amsterdam juste avant le concert parisien Salle Pleyel avec une qualité d'image superlative alliée à un son catastrophique où le compresseur numérique fit ses dégâts habituels, remontant certains ppp plus fort que les fff complètement rabotés. Bref une diffusion complètement ridicule et indigne d'une chaîne musicale qui nous a toutefois remis en mémoire la performance exceptionnelle de l'orchestre et la direction tout en douceur et souplesse de Maris Jansons qui l'avait fait quand même raté l'aspect primale et physique de cette musique. Et dès la fameuse et terrifiante introduction il nous a semblé que Yannick Nezet-Seguin allait prendre l'exact contrepied de son confrère, avec une conduite plus nerveuse (voire secouée !) du discours, des contrastes plus virulents, des enchainements plus abrupts. Optique qui se défend bien mais qui, pour convaincre totalement, nécessite de trouver et conserver une cohérence et une logique de progression entre les différentes séquences. Or au bout du compte, c'est sans doute ce qui a manqué ce soir, en particulier dans le long premier mouvement, le plus critique de ce point de vue, où plus d'une fois la succession des séquences nous parut plus arbitraire que logique, nous amenant ici sans que ce qui a précédé y ait préparé, y compris dans les immenses climax. Celui qui cherche dans l'interprétation une réponse à la question «pourquoi est-ce écrit ainsi ?», à nos yeux finalité suprême de l'art de l'interprète, a du repartir bredouille. Les notes étaient bien là, mais le fameux «derrière les notes» pas trop.

Bien sûr il ne surprendra personne que l'orchestre de Rotterdam ne sonne pas aussi bien que son cousin amstellodamois, et les moments de pure magie sonore que Jansons nous avait offerts avaient disparu ce soir. On notera quand même que cet orchestre suit son chef au millimètre et en traduit remarquablement bien la gestique assez sportive (quelle santé !) et non exempte de coups de boutoir, parfaitement reproduits par les musiciens, mais dont la pertinence ne nous a pas toujours sauté aux oreilles. Le chef, volontairement ou non, ne fusionne pas ses différents groupes d'instrumentistes, donnant parfois une certaine discontinuité au tissu orchestrale et du coup à la phrase musicale, avec, au plus extrême, des timbales franchement brutales ici ou là, comme si elle devaient réveiller un ensemble pourtant bien loin d'être assoupi. Et s'il réussit d'assez remarquables ppp, ses fff furent parfois un peu hurlants. Ayant placé ses deux solistes à l'avant scène, il favorisa l'aspect lied inséré plus qu'intégré du «Urlicht» chanté avec sobriété par , alors que la fusion vocale entre la soprano et le chœur, par ailleurs très bon, était forcément moins facile et le moment magique où elle s'élève au dessus du chœur carrément raté.

Il ne serait pas étonnant que bien réussir les symphonies au long souffle de Mahler, dont cette Deuxième, nécessite moins de jeunesse ou de sportivité gestuelle et plus de maturité afin d'en restituer le fond plus que la forme. Cela viendra sans doute et on ne peut que souhaiter bon vent au nouveau duo Rotterdam Nézet-Séguin.

Crédit photographique : © Pierre Dury

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