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Beethoven avec Renaud Capuçon et Frank Braley

Comme pour les Symphonies, les Concertos ou les Sonates pour piano, chaque mélomane possède probablement une version de référence des Sonates pour violon de Beethoven. Magnifiquement réussie, l'intégrale signée / ne menace toutefois pas nos repères en la matière. Car les deux compères, liés par une évidente complicité, offrent une version parfaitement homogène et équilibrée de ce corpus inégalé dans l'histoire du genre mais, malgré une belle imagination, ne bousculent jamais les convenances.

Aux trois pièces de l'opus 12 manquent la surprise et probablement «l'impatience» qu'autorisent certains passages de ces pages, pourtant d'allure classique –c'est vers ce classicisme que nous entraîne cette interprétation. Cela n'empêche pas quelques moments de chant sublime (Sonate n°1, Tema con Variazioni. Andante con moto) ou d'accents savoureux (Sonate n°3). La suite du coffret est de la même étoffe. On aimerait tant qu'aux riches couleurs, qu'à l'inventivité, qu'au sens de la structure (Sonate n°9 « A Kreutzer »!), qu'à la perfection plastique, qu'à la beauté sonore (dans la continuité de Grumiaux/Haskil (Decca), qu'aux subtilités du jeu d'archet de Capuçon (Sonate n°7, Scherzo allegro), qu'à l'exquise prestation de Braley s'ajoute un brin de fantaisie pour que Beethoven apparaissent comme le frondeur qu'il était.

En effet, aussi magnifique qu'elle soit, cette lecture oublie de se « lâcher ». On voudrait qu'à la vigueur rythmique dont font preuve les deux interprètes se mêle un soupçon de rusticité supplémentaire dans les mouvements qui en réclament (Sonate n°8, Allegro vivace surtout), que Capuçon soit moins « gentil » (Sonate n°4, Presto), plus conquérant (comme dans l'Allegro con brio de la Sonate n°7), voire moins précieux (Sonate n°10, Poco Allegretto). En bref, que les musiciens soient moins sages et Beethoven plus ébouriffé.

Malgré ces réserves somme toute assez relatives et subjectives, on ne s'ennuie pas une seconde à l'écoute de ce très joli coffret. En effet, tout y est beau. Splendide même. Les trouvailles originales y foisonnent, les couleurs débordent et l'élégance (sans aucun maniérisme) y est omniprésente. Tout cela nous procure un plaisir qu'il serait bien injuste de bouder mais ne bouscule pas vraiment la discographie comme l'ont récemment fait, dans un tout autre style, Isabelle Faust et Alexander Malnikov (Harmonia Mundi).

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