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Gergiev et les révolutions

poursuit son intégrale des symphonies de Chostakovitch (les symphonies n°1, n°4 à n°9 et n°15 sont déjà parues chez Philips ou Mariinsky) avec une confrontation révolutionnaire éditorialement juste mais musicalement foncièrement opposée. Composée à l'occasion des 10 ans de la Révolution d'octobre 1917, la symphonie n°2 est un témoin d'une époque radicale où les expérimentations instrumentales, même les plus brutales, étaient encore tolérées par le régime rouge ! En moins de vingt minutes, elle se veut acide et cursive avec tout ce qu'il faut de constructivisme et d'optimisme futuriste. Dans l'enthousiasme révolutionnaire, Chostakovitch avait même accepté de mettre en musique les plates phrases de propagande du poète Alexandre Bezymenski à la gloire de la révolution bolchevique. A l'opposée, la symphonie n°11 (1957) qui rend hommage à la révolution avortée de 1905 est un chef d'œuvre narratif et dramatique. Dans un genre opposé, ces deux pièces montrent l'évolution expressive et instrumentale d'un homme brisé par le communisme stalinien.

a le mérite de la constance dans son approche des symphonies. Il défend un Chostakovitch orchestral à défaut d'être foncièrement dramatique. Il marche ainsi dans les pas de Mariss Jansons pour son intégrale EMI faisant briller sa formation symphonique russe. Dans la symphonie n°2, Gergiev, auteur d'une lecture magistrale de l'opéra Le Nez, fait vivre cette musique moderniste avec énergie et tonus. L'orchestre, rutilant, virevolte et piaffe, sous une battue qui fonce pied au plancher. Le talent du chef ne peut hélas pas sauver le final pompeux et pompier de cette symphonie à la fois fascinante et irritante.

La symphonie n°11 est plastiquement superbe avec un orchestre qui allie l'homogénéité (quelles cordes !) avec un impact saisissant dans les dynamiques. Gergiev sait construire et habiter son interprétation avec conviction et pertinence. Il n'empêche cette vision narrative reste un peu trop neutre et manque de vécu. D'autres baguettes comme Mravinsky (Melodiya), Barshai (Brilliant), Kitaenko (Capriccio) ou Kondrashin (Melodiya) sont allés beaucoup plus loin dans l'exploration de la souffrance intérieure de cette œuvre.

On tient donc un disque au fini technique irréprochable, avec une symphonie n°2 absolument parfaite. Ce couplage, inusité, pourra certainement attirer les néophytes qui veulent parfaire leur connaissance de la musique soviétique au XXe siècle et aussi les amateurs de hi-fi qui feront hurler leurs voisins.

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