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Marie-Nicole Lemieux, verse-nous l’ivresse !

On ne présente plus , qui, dans Vivaldi, Brahms ou Fauré, a marqué les auditeurs par son timbre aux reflets fauves. Du récital qui vient de paraître chez Naïve, on n'entendra en fait que les airs les plus célèbres, en dehors de la belle scène de Charles VI. On s'en console vite cependant. Le chant allie l'exactitude au naturel et les mots, fermement posés, lui assurent un relief que l'accompagnement de bonne tenue, mais assez plat, ne renforce guère. La souplesse d'une voix pourtant considérable et la maîtrise du registre aigu lui permettent de rendre justice à la grande scène de Halévy, qui enchaîne un récitatif tourmenté, une cantilène digne de Bellini et une partie rapide héroïque. Tandis que l'air de Néris, la suivante de Médée, révèle un soupçon de raideur (et un beau solo de basson), «Connais-tu le pays ?» est un succès total, accompagné avec délicatesse : le fondu des couleurs de chaque strophe est admirable, le mœlleux du legato et la beauté du timbre font le reste. L'ouverture de Raymond, qui conclut cette première partie, a survécu au reste de l'œuvre comme pièce de concert. en anime les flonflons et les galops avec une énergie appréciable.

Les Scènes dramatiques de Massenet sont rarement programmées ; il est vrai que leur charme semble bien trop superficiel pour évoquer les personnages de Shakespeare. Sauf dans le «Sommeil de Desdémone», qui demande plus de chaleur, le chef et l'orchestre se tirent bien de ces pièces difficiles à transcender. La scène de Werther est superbe, malgré des attaques peu nettes de l'orchestre : les lettres sont récitées de façon touchante, comme si Charlotte les connaissait par cœur, et la strophe finale emporte par son ardente simplicité. «Je me sens prête», déclarait il y a quelques mois Marie-Nicole Lemieux à propos de Carmen. Indéniablement, elle crée un personnage, et si cette Carmen semble plus taquine que dangereuse, ses ports de voix ironiques sont un enchantement. Après la Danse bohème et un somptueux air de Dalila, se retire aux accents de «J'ai la migraine». Le public, lui, est aux anges.

Crédit photographique : © Denis Rouvre / Naïve

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