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Toute la noblesse de Brahms par Plamena Mangova

Pour un label indépendant tel que Fuga Libera, graver des œuvres aussi emblématiques que celles qui figurent sur ce disque peut être considéré, selon le résultat, comme audacieux ou inconscient –il faut en effet pouvoir se distinguer sur un marché saturé et dominé par les interprétations de personnalités musicales plus vendeuses qu'une soliste encore peu connue sur la scène internationale et un orchestre de seconde catégorie. Cet enregistrement brahmsien s'apparente plutôt au premier cas de figure, notamment grâce à la remarquable prestation de la jeune pianiste bulgare, qui n'en est pas à son coup d'essai…

est en effet une musicienne surprenante dont chaque disque est distingué par la critique –on se souvient de la détonante Burleske de Strauss enregistrée avec les même partenaires (Fuga Libera). Dans le Concerto pour piano n°1 de Brahms, elle prend le temps de s'installer (au total, l'œuvre dure 50 minutes!) mais conserve une vision d'ensemble qui évite la dissolution ou l'effondrement de cette vaste architecture. Si Weller et ses musiciens se lancent dans une introduction qui manque de tranchant, on pense pendant un moment que cela sera au profit de la construction dramatique de la forme. Toutefois, dans le développement, l'orchestra manque de souffle et laisse retomber la tension. Par chance, la poigne de Mangova nous agrippe là où les liens tendent à se relâcher. On peine alors à croire que c'est la même pianiste qui, quelques minutes plus tôt, nous émouvait de son phrasé si poétique et qui, quelques mesures plus loin, nous hypnotisera avec sensibilité et majesté exploitant, avec générosité, toutes les facettes de son talent…

La soliste épate également dans l'Adagio central. Manquant de velouté et d'implication, les accompagnateurs ne font plus office que de passe-plats mais qu'à cela ne tienne, la gravité, la noblesse, la musicalité de Mangova nous emportent dans un autre monde. Nous ne sommes pas dans l'atmosphère aérienne de Curzon/ Szell (Decca), dans l'émotion pure de Grimaud/Sanderling (Erato) ou dans la complémentarité qui est celle de Freire et Chailly (Decca). Ici chaque phrase sonne comme une évidence, tout simplement. Enfin, le rondo est également dominé par la pianiste dont l'autorité est incontestable. Pas de doute, Mangova a tout d'une grande!

Sans être indispensable à la discothèque idéale, la version de des Variations sur un thème de Haydn est plutôt réussie. A la tête d'un des bons jours (les bois sont parfaits), le chef nous livre une lecture regardant vers le classicisme, sans aspérité et bien structurée. On pourrait certes imaginer interprétation plus contrastée, avec des basses à la présence plus constantes (variation VII) ou à la polyphonie plus transparente (Finale) mais la manière dont le chef varie les éclairages sur les présentations variées du thème maintient l'intérêt de cette gravure.

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