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Version de rêve par Olivier Vernet pour clôturer l’année Schumann

L'année Schumann s'achève en beauté ! L'approche d' dans ce répertoire en fait désormais une référence absolue. Jamais ces œuvres, écrites à l'origine pour le piano-pédalier, n'avaient sonné avec autant de clarté et de liberté. Schumann écrivit trois cycles d'œuvres pour cet instrument quelque peu insolite, digne successeur des clavecins-pédalier de l'époque de Bach. Ces pianos dotés d'un pédalier d'orgue avaient pris la place dans les salons et permettaient aux organistes de travailler sans les contraintes d'un souffleur, ou du froid de l'hiver. Du coup, l'adaptation directe à l'orgue pose parfois quelques problèmes, et s'en explique : octaves doubles, tessitures chargées dans le grave, entre autres…, que l'interprète résout en se référant à certains arrangements du même ordre, réalisés par César Franck à propos d'œuvres de Valentin Alkan. Le résultat est magnifique, à tel point que l'on oublie presque parfois qu'il s'agit d'orgue, tant le pianisme est débordant. De plus, les registrations savamment choisies, libèrent le discours, le rapprochant des couleurs de la musique de chambre, si chère à Schumann.

Les six études utilisent le principe du canon, strict dans leur écriture, mais miraculeusement épanouies de fraîcheur et de grâce. Les quatre esquisses redoublent d'effets dynamiques, nous rappelant ici l'approche quasi orchestrale qu'en donna jadis Jean Guillou, dans un récital romantique à Saint-Eustache (Philips), nous les faisant découvrir alors dans toute leur lumière. Les œuvres les plus organistiques demeurent les six fugues sur les quatre lettres du nom de B. A. C. H., grâce à leur essence contrapuntique. A l'écoute, on reste stupéfait de ce qui pu être imaginé et composé par Schumann avec seulement quatre notes, produisant ainsi son propre «Art de la fugue» en hommage à son cher maître.

Un des atouts essentiel de ce disque est la découverte d'un orgue d'exception : en effet le Stiehr-Jacquot de Wisches remontant au milieu du XIXe siècle s'avère idéal par la palette sonore généreuse qu'il nous propose. Ce type d'orgue, que l'on a chez nous l'habitude de dénommer «de transition» est courant en Alsace, et se différencie de ce que produira dès cette époque le jeune Cavaillé-Coll, inventeur d'une nouvelle esthétique. A l'instar des instruments des frères Callinet, ces orgues sont riches en jeux de fonds nombreux et clairs, gambés parfois, se mêlant à des anches raffinées, bassonantes aussi, jusqu'à certains jeux de détails reconnaissables entre mille (Hautbois). Magnifiquement restauré en 2003 par la manufacture Toussaint, cet orgue est un ambassadeur privilégié de ces musiques, et le fait scintiller tel un diamant dans les rayons du soleil.

Un disque indispensable, soutenu par une prise de son de toute beauté, alliant à la fois précision et espace, au service d'une musique éternellement belle !

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