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La Belle au Bois Dormant par le Mariinsky, simplicité impériale

Alors que Baden-Baden se couvre d’un manteau neigeux, le Festspielhaus, bien chanceux d’avoir le Mariinsky pour les fêtes de fin d’année, se donne des airs du prestigieux Théâtre de Saint Pétersbourg. Pour un Noël en règle, la Belle en Bois Dormant dans la version de Sergeyev de 1952.

La scénographie est simple, lisible, sans encombres ni fioritures narratives. Les costumes sont d’une simplicité désarmante, voire même assez rustiques : les couleurs sont très vives (tel le tutu de la bien nommée Fée Violente d’un orange assez agressif, les perruques d’un roux assez douteux), semblent manquer d’ampleur (le manteau d’hermine du roi Florestan XIV est bien peu rutilant), et surtout, quand bien même le ballet s’inspire d’une idée que l’on faisait à une époque de la grande période de la royauté française, l’ensemble souffre d’un manque de cohérence et de vraisemblance historiques. Certes, il n’y pas de nécessité de réaliser une histoire du Costume pour croire au conte dansé. Mais chacun des éléments s’apparie bien peu harmonieusement les uns aux autres, ce qui donne une impression de confus et de débraillé.

Cette concession posée, force est de constater que la danse ne se résume pas à ce qui la complémente. En cela, la véritable perle de la soirée est de manière évidente Mlle Tereshkina dans le rôle de la princesse Aurore. Dès le début du premier acte, elle n’est pas princesse, mais bien royale, avec une suprématie technique rare, tenant des équilibres sans ostentation vulgaire, effectuant une variation d’entrée avec une classe et un glamour qui restent sidérants. Certes, on ne cherchera pas une évolution du personnage au cours des trois actes : le ton est donné dès l’Adage à la Rose, et elle n’en dérogera pas. Mlle Tereshkina a un art inégalable des ports de bras avec des poses altières, et rien ne semble pouvoir soutenir la comparaison : elle est une Aurore de premier ordre. Le spectateur parisien, déformé par les versions de Noureev, aura plus de mal avec le peu de présence du Prince dans cette version où il danse une variation courte au deuxième acte et celle plus connue au troisième acte. M. Fadeyev ne peut donc présenter qu’une courte étendue de ses possibilités qui sont toutefois très respectables.

La Fée des Lilas a un rôle prépondérant, où de nombreuses interventions permettant à Mlle Kolegova de briller. Avec un corps valorisé dans cette compagnie (de longs membres, une hyperlaxité ligamentaire, une grande taille), et bien qu’un peu timide, elle présente une présence autoritaire et un travail fini. Le corps de ballet possède des parties simples au niveau de la chorégraphie ; il ne faut pas oublier que c’est plutôt postérieurement que s’est faite le complexification quasi-délirante des pas. Mais la grande naïveté des pas rappelle que le travail majeur de la danse se situe dans les gestes de base, et leur coordination entre les différentes parties du corps. De cette manière, on constate la particularité du Mariinsky, avec son caractère propre qui contraste avec l’uniformisation de la danse à l’échelle internationale.

Parmi les fées, on retiendra l’hallucinante Yana Selina en Fée Canari qui a une vitesse d’exécution supersonique qui débute avec des piétinés que la rétine n’a pas le temps de fixer et qui se finit avec une arabesque très pure. De même Valeria Matiynyuk, dansant la Fée Diamant, avec une certaine véhémence, possède une énergie et une verve qui rendent les sissones plus faciles et les pas de basque appellent à la joie que l’on ne peut restreindre.

Malgré une scénographie un peu poussive et pauvre en effets, c’est par les danseurs que s’expriment toute la vie d’une représentation.

Crédit photographique : V. Tereshkina et A. Fadeyev © N. Razina

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