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Iolanta version soviétique

Voici un étrange , sans doute en raison de son caractère inclassable : cette histoire de princesse aveugle guérie par l'amour est une sorte de conte moral sans grande profondeur. Moins immédiatement frappante que les grands opéras de Tchaïkovski, la partition se révèle d'une grande délicatesse d'orchestration et de sentiments.

Dans cette version soviétique rééditée par Melodiya, les voix sont caractéristiques de l'ère Brejnev, amples et très bien projetées, mais la plasticité des grands prédécesseurs s'est perdue, ou bien elle s'est démodée. Les hommes ne sortent guère d'une attitude impérieuse et statique. C'est particulièrement dommage pour le personnage mystérieux du médecin maure, dont la voix et le ton sont trop semblables à ceux du Roi lors de leur dialogues. Dans le rôle du monarque, l'impressionnant Evgueny Nesterenko est ombrageux et autoritaire, mais aussi très monolithique. Tout aussi superbes vocalement, les deux chevaliers (Youri Mazourok et ) demeurent bien engoncés. Pendant le long duo d'amour central, le ténor nuance tout de même un peu son chant, en plus de la belle note en voix de tête qui couronne sa romance. Les femmes sont heureusement plus touchantes. On admire dans les premières scènes le somptueux alto de la nourrice et les timbres joliment aigrelets des compagnes d'Iolanta. Dans le rôle-titre, Tamara Sorokina n'a certes pas une voix des plus gracieuses, avec un vibrato marqué dès qu'elle dépasse la portée. Pourtant, elle dessine bien l'héroïne volontaire et ingénue, et le chant est du meilleur style russe, généreux et tranchant. Pour la partie orchestrale, la première impression n'est pas très favorable, avec des cuivres lourds et une direction indolente. Sur la durée, la conception d'Ermler apparaît cependant solide et cohérente, certainement le fruit d'une longue fréquentation de l'œuvre dans la fosse du Bolchoï. Le chœur et l'orchestre, un peu vieillots, ne sont pas sans charme, et la prise de son, légèrement tassée, leur rend justice par sa clarté.

En fin de compte, une interprétation plus solide qu'exaltante, mais dont il faut saluer le retour, malgré l'absence de livret. Sur Internet, on trouvera les versions plus récentes de Rostropovitch (Warner), dont la distribution est prestigieuse mais vieillissante, et de Valery Gergiev (Philips), de très bon niveau, comme toute la série d'opéras réalisée avec la troupe du Théâtre Kirov.

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