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Tanztheater Wuppertal : Survivre à Pina Bausch

Disparue en 2009, avait la réputation d'être toujours présente à la mise en place de ses spectacles. Elle contrôlait tout, reprenait tout. Dans le moindre détail. Que reste-t-il de ce travail minutieux ? Sa disparition amenuise-t-il la reprise de ses spectacles ? Rien n'est moins sûr. Du moins, avec ce Nefès. Créé en 2003, la fraicheur, la spontanéité, le dynamisme qui se dégage de ces scènes laisse au spectateur un profond sentiment de nouveauté.

Le décor spartiate d'une simple toile de fond noire laisse présager d'une soirée de danse banale, avec ses prouesses de danseurs où l'on cherche celui ou celle qui impressionnera le plus. Comme pour s'imaginer avoir la confimation que là réside la quintessence du ballet. Et que voit-on ? Des danseurs et des danseuses qui dépassent le strict art de la danse et de ses pas dogmatiques pour découvrir des personnes. Non plus des danseurs avec l'image d'Epinal qu'on peut s'en faire, mais des hommes et des femmes aux personnalités diverses et contrastées. Tous et toutes dansent avec les gestes de la danse, mais aucun ne ressemble à l'autre. De la pétulance hilarante de Nazareth Panadero criant à la cantonade : «Je suis trop grosse pour toi !», à la finesse éthérée de Shantala Shivalingappa, véritable fée de grâce et de charisme, en passant par l'énergie dévastatrice de Jorge Puerta Armenta, c'est autour de la personnalité de chacun, de leur spécificité que tisse ses scènes inspirées de l'impressionnisme des ambiances glanées à travers un séjour à Istanbul.

Plus encore que la danse, que les performances, que l'esthétisme des mouvements, c'est l'extraordinaire envie qui habite chaque danseur qui bouleverse. Voilà une troupe dont la réputation universelle n'est plus à faire. Voilà des danseurs qui n'ont rien à prouver sur leurs talents. Des artistes qui pourraient se contenter de «réciter» leurs pas. Au lieu de sombrer dans une routine que leur technique porterait à la satisfaction du public, ils dansent comme s'ils étaient en scène pour la première et la dernière fois de leur exsitence.

Sur le plateau, Nefès nous fait assister à une série de courts tableaux faits tantôt de pure poésie, tantôt d'images de la vie quotidienne. Avec pour note lancinante, obsédante, l'eau. L'eau qui tombe en chute des cintres dans laquelle un superbe et émouvant Rainer Behr se love. L'eau en flaque, comme un lac sur la scène, le prétexte pour Jorge Puerta Armenta d'en éclater la surface dans une danse extraordinaire de dynamisme. Des épisodes brusquement interrompus par la projection d'un carrefour d'où surgissent d'énormes voitures renversant d'un bord à l'autre de la scène un danseur devant la femme hurlant de peur. Puis, sur une musique lascive, la belle et légère Shantala Shivalingappa s'envole. Quelle beauté, quel sourire, quelle joie communicative, quelle paix dans l'élégance de ses gestes.

Un spectacle total, où chacun s'investit comme un hommage à leur illustre chorégraphe disparue. Survivre à , avec son message chorégraphique émotionnel ancré au plus profond de chacun.

Dans quelques jours, le Festival International du Film de Berlin s'ouvrira sur le film que le cinéaste allemand Wim Wenders dédie à Pina Bausch. Le titre du film, «Danse, danse, sinon nous sommes perdus», confirme l'impression que laisse ce spectacle par la troupe du .

Crédit photographique : © DR

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