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Pacifique : Bons baisers de Nasser

invente un genre : le spectacle de danse catastrophe. Entre scènes d'exposition et happy end final, le chorégraphe décline avec brio l'esthétique chic et glamour du film d'espionnage version James Bond.

Malgré ses influences cinématographiques revendiquées, c'est bien du côté de la peinture ou des séries télévisées que se trouvent les sources d'inspiration les plus flagrantes de ce Pacifique d'une redoutable efficacité. Sous forme de portrait de groupe avec dames, entre le glamour des publicités sur papier glacé et la brutalité des empoignades de films d'action, digère et restitue avec sophistication les éléments fondateurs de la culture populaire. Puisant dans l'imagerie traditionnelle du film d'espionnage (pistolets, mallettes de documents, appareils photos, lunettes noires…), il illustre ses scènes de genre par des choix musicaux audacieux et originaux, signés John Barry, le compositeur des James Bond – récemment décédé, Pink Floyd ou Donna Summer.

Sur la pente glissante d'un skate park, dont le parquet lisse reflète la lumière bleutée ou rosée des projecteurs, il installe au fil des scènes une atmosphère presque lynchienne. Garçons en costumes gris, filles en robes de cocktail ou jupes crayon, ses Mad Men à lui sont des bêtes de scène. L'écriture chorégraphique masculine est spectaculaire, millimétrée autour d'une table de bois clair, allusion évidente à la Cène ou à La table verte, célèbre ballet de l'Allemand Kurt Joos qui évoque l'inutilité des sommets diplomatiques. La gestuelle des filles, plus mécanique, est calquée sur celle, figée, des mannequins que l'on installe dans les vitrines. Dans les dégagements de part et d'autre de la scène, certaines de ces poupées de cire font d'ailleurs office de figurantes.

Après une fantastique scène de bal subversive, où travesti en femme fatale mène la danse, la scène de catastrophe qui suit est prenante et angoissante à souhait. Emotions fortes garanties ! Véritable acmé du spectacle, elle précipite les personnages, que l'on imagine accoudés à la coupée d'un paquebot, dans une lutte pour l'équilibre et la survie. Nasser Martin-Gousset dit s'être inspiré de « L'aventure du Poséidon », un film catastrophe de 1972 pour mettre en scène cette panique organisée.

Dans ce spectacle, créé en septembre 2010 à la Biennale de la danse de Lyon, Nasser Martin-Gousset ne tombe pas dans le travers de la mode, mais n'évite pas pour autant l'écueil de la superficialité ou de la vacuité. Les scènes, répétitives, s'étirent parfois inutilement en longueur. Le choix d'une lumière blafarde aplatit les perspectives et fatigue l'œil. Parfois, le goût de la pose et de l'affectation transforme le spectacle en carnet de tendances pour directeur artistique ! Par son originalité, ses partis pris, il n'en reste pas moins fascinant et extraordinaire. Le style de Nasser Martin-Gousset demeure unique dans l'univers chorégraphique contemporain.

Crédit photographique : © Audoin Desforges

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