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Hilary Hahn, femme fatale pour concertos inégaux

D'abord jugé injouable, le Concerto pour violon de Tchaïkovski fut ensuite qualifié de «musique puante pour l'oreille» par Eduard Hanslick. A force d'être rabâchée par des solistes en mal d'imagination et autres violonistes de concours, l'œuvre semble parfois usée jusqu'à la corde. Las du pathétique à la sauce slave, de la pyrotechnie gratuite, des chevauchées à travers la steppe ou des finales à la cosaque, l'enregistrement d' apparaît comme un véritable bol d'air.

Certes, l'Allegro moderato peut sembler manquer d'élan mais l'option prise par la violoniste est toute autre. Le jeu de l'américaine est emprunt d'une féminité, voire d'une sensualité, qui font frissonner. Femme fatale plutôt que belle ingénue, Hahn ne minaude pas. Elle sait où elle va et sait varier ses effets en fonction –bien suivie en cela par qui montre une belle autorité, notamment dans des changements de tempo parfois inhabituels mais qui participent à l'architecture dessinée par la soliste. Après une Canzonetta enveloppée dans la soie, le mouvement final est articulé avec une clarté implacable et une expression qui confine parfois au sarcasme. D'un bout à l'autre, la sonorité est claire, chaque phrase chargée d'une délicate et intelligente musicalité et les chaudes couleurs du superbe Vuillaume de la violoniste d'achever de nous charmer.

Placé en début de programme, le Concerto pour violon de est dédié à . Force est de constater que cette dernière, toujours aussi charismatique, réussit parfaitement à en exprimer les diverses atmosphères et à enjamber souplement les difficultés techniques qui émaillent sa partie. Pour autant, malgré quelques jolies trouvailles, la partition ne s'imposera certainement pas comme un chef-d'œuvre impérissable du XXIe siècle naissant. Plus clinquant que véritablement original, cet ouvrage se veut abordable, même par ceux que la musique contemporaine rebute. Higdon semble parfois se souvenir de Bernstein ou, comme elle le confiait au BBC Music Magazine en octobre dernier, du Concerto de Barber que Hahn avait enregistré au début de sa carrière (Sony). Bien qu'auréolée du Prix Pulitzer et malgré le succès de sa compositrice outre-Atlantique, la pièce paraît assez insignifiante de par son contenu et, avec des moyens expressifs aussi «faibles», bien incapable de marquer les esprits. Souhaitons-lui cependant une destinée comparable au Concerto de Tchaïkovski, quitte à risquer d'être cité dans un siècle comme l'exemple type du critique passé à côté d'un joyaux.

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