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Philippe Giusiano séduit dans un programme inédit


Pour sa première apparition au Théâtre du jeu de Paume à Aix en Provence – à guichets fermés!- a été à la hauteur de l'évènement. Le public présent est, en effet, reparti séduit par sa prestation de haut vol.

Avec beaucoup de classe, il s'est illustré dans un répertoire où on ne l'attendrait pas forcément -en l'occurrence Rachmaninov- et confirme une réelle maturité de jeu.

La soirée débute avec deux opus des Mazurkas, inspirées directement des danses populaires polonaises. Il s'agit d'un choix osé, surtout en début de programme. Sans filet, l'interprète se met à nu car il n'y a aucun moyen de se protéger derrière la virtuosité. «L'ombre du souvenir danse ici avec l'ombre du regret» disait Cortot.

Inspiré par ce texte parfois très dépouillé, le pianiste laisse rapidement libre cours à sa créativité : l'évocation ‘douce-amère'des sentiments enfouis contraste avec des atmosphères festives aux sonorités de boite à musique.

Sa minutie d'ensemble et son ‘travail'du son font penser à Krystian Zimerman.

Cette impression se confirme au fil des 24 préludes dans lesquels l'alternance majeur/mineur intensifie le caractère de chacun d'entre eux. Avec fluidité et cohérence, Giusiano parvient à trouver une sonorité qui occupe pleinement l'espace et le temps. La parfaite illustration prend forme avec le 4e prélude. Immédiat, sorti de nulle part, il nous émeut aux larmes. Il en est de même pour le ténébreux 13e et sa progression inéluctable vers la lumière. Autre temps fort, le bouillonnant final aux accents dramatiques sans oublier le 17e, tableau idyllique d'une touchante pureté mélodique côté main droite.

Après l'entracte, place aux Moments Musicaux de Sergei Rachmaninov, sorte de condensé des thèmes chers au Maître russe et instantané du film de sa vie. Nous y découvrons un Guisiano dans son jardin. Au service du texte original, il va à l'essentiel et restitue la modernité si frappante de ces pages. Séduisante, sa version le rapproche davantage des ‘anciens'concertistes disparus que de ses collègues illustres qui, dans un souci de surenchère sonore cherchent trop fréquemment à amplifier le moindre trait virtuose. C'est une redécouverte qui nous permet d'apprécier davantage de détails harmoniques.

En premier bis, le pianiste nous entraîne avec tendresse dans l'univers Brahmsien. La première ‘berceuse de ma douleur'de l'opus117 est d'une émotion contrôlée, notamment dans la partie centrale, toute en retenue et plus intériorisée que d'ordinaire. Le deuxième bis, les jeux d'eau à la villa d'Este de Franz Liszt aux images évocatrices et délicates. Sur une note poétique, la soirée se termine ainsi en beauté.

Crédit photographique : © DR

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