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Les opéras napolitains de Rossini, trop sérieux pour être utile

Ce livre est une adaptation d'une thèse de doctorat présentée devant la Faculté des Lettres de l'Université de Fribourg, en Suisse, en 1987. Le thème en est, plus complet que le titre, celui des opéras napolitains de Rossini au regard de la critique et de la presse des années de leur création, ce qui circonscrit un sujet tout aussi vaste que prometteur.

Comme toute épreuve scolaire devant être présentée devant un jury, l'auteur ne lésine pas sur les preuves du travail fourni, alignant aussi bien la lecture de centaines de journaux de la première moitié du XIXe siècle, feuilletés dans les bibliothèques françaises et italiennes, que d'horribles formulations estudiantines telles que «mais revenons à…» «étudions maintenant…» et autres «il nous faut examiner désormais…»

Le plan est bâti en quatre parties. La première n'est guère qu'une introduction de trois pages, la seconde un synopsis des neuf opéras napolitains en question. On entre dans le vif du sujet avec la troisième, traitant de l'aspect visuel de l'opéra rossinien. On y apprend hélas assez peu de chose, le seul fait prouvé étant que ni le public, ni les journalistes du moment ne s'intéressaient à la mise en scène, aux décors et aux costumes, et que pour disposer de quelques pauvres informations, il faut revenir, encore et toujours, à Stendhal. Pour combler ce vide abyssal, l'auteur aligne chiffres, dates et tableaux détaillant les mises en scène de toutes les scènes européennes de l'époque, même sans rapport aucun avec Rossini.

La dernière partie, plus plaisante, titrée «considérations sur l'art de Rossini dans ses opéras napolitains», est elle-même divisée en trois chapitres. Dans «aspects de l'instrumentation de Rossini», pas mal troussé, l'auteur décortique le reproche fait si souvent à l'époque au cygne de Pesaro de composer de la «musique allemande», c'est à dire d'offrir une orchestration trop riche. On y trouve quelques belles pages, exemples à l'appui, sur l'utilisation des cuivres et sur celui de la banda sur scène. Dans «aspects du chant rossinien», trop bref et survolé, on évoque surtout l'ornementation et la colorature. On a l'impression que ces deux sujets ont été traités par le petit bout de la lorgnette, se focalisant sur un aspect, en occultant tous les autres. La dernière sous-partie remémore de façon séduisante les chanteurs-créateurs des œuvres rossiniennes, l'iconographie montrant en outre de jolis portraits.

L'introduction, la conclusion et les annexes font preuve de partis pris assez surprenant. Ainsi apprend-on que seul Il Barbiere di Siviglia reste encore régulièrement au répertoire, même si La Cenerentola paraît parfois à l'affiche, que les jeunes générations de chanteuses commencent à pouvoir défendre Rossini sur scène, à preuve dans La Donna del Lago la saison dernière (et Katia Ricciarelli en 1984, et June Anderson en 1992 ?). Il n'est fait aucune mention de Cecilia Gasdia dans la discographie d'Armida, vingt-trois ans séparant l'immense désert entre Deutekom et Fleming !

Malgré la somme phénoménale de travail accumulé, on reste sur sa faim. Rossini fût le people le plus médiatisé de son temps, ses moindres faits et gestes étaient commentés dans toutes les gazettes. Il semble cependant impossible au XXIe siècle d'obtenir un ouvrage de référence sur cet immense compositeur. Le grand homme aurait probablement adoré ce paradoxe.

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