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Les mots sous les notes, ouvrage magistral sur Romain Rolland

Ouvrage magistral sur (1866- 1944) fondateur de la musicologie en France, sur le rayonnement européen de sa pensée musicale, par un des connaisseurs les plus avertis du début du XXe siècle.

S'il fut «Le plus grand événement moral de cette époque», comme le pense son ami , également pacifiste et européen, fut, en France, l'événement musicologique premier et, comme le précise , il fut «avec Rousseau, l'écrivain français le plus profondément musicien». Pour réhabiliter cette figure qui connut une gloire universelle, il fallait l'immense culture, le savoir et l'érudition stupéfiante d', universitaire, essayiste, romancier, compositeur et critique musical. Une telle approche ne fut jamais entreprise, qui sût percevoir l'unité d'une personnalité apparemment polymorphe, mais construite harmonieusement par ses convictions profondes, celle de l'ami de Gandhi comme de , nourrie de Tolstoï et «thuriféraire du message d'amour de Beethoven», sur qui écrivit sa vie durant. Trois principes stables éclairent ses choix musicaux : ne vouloir jamais séparer la réflexion de l'action et de la création ; valoriser l'œuvre d'art comme forme supérieure de la vie ; et enfin, considérer que toute forme d'expression doit pouvoir concerner le peuple, sans élitisme aucun, et se mettre au service de l'humanité tout entière. En cela, la musique, ce langage universel va au-delà des mots.

Nombre de compositeurs signèrent la musique de ses pièces destinées d'abord au Théâtre du Peuple de Bussang, tels Auric, Ibert, Honegger, Kœchlin, Milhaud et Roussel. Normalien, agrégé d'histoire, Romain Rolland, après un séjour au Palais Farnèse, fonde une science encore inexistante dans une France retardataire, la musicologie. Sa thèse, une des trois premières, est soutenue en 1895, sans un musicologue au jury, et pour cause. Le sujet en est : « l'opéra avant Lully et Scarlatti » . Son auteur assure aussitôt des cours à l'Ecole Normale, à l'Ecole des Hautes Etudes Sociales et crée ceux de la Sorbonne en 1903. Le succès foudroyant du professeur de musicologie n'a d'égal que celui d'Emile Durkheim et de Gustave Lanson. La France découvre, concerts à l'appui grâce à d'Indy, les musiciens franco-flamands, Palestrina et Monteverdi, et ce bien avant Nadia Boulanger, mais aussi Haendel ou Hugo Wolf, la dernière année, 1911-1912, étant réservée à Mozart. Rolland crée en outre la Revue musicale avec Pierre de Combarieu en 1901. Pendant ses huit ans à la Sorbonne, il élabore le premier roman-fleuve, Jean- Christophe, dont le héros, dit-il, est « son ombre ». Romain Rolland publiera également de nombreux articles sur la musique, parus dans Europe et la Revue de Paris, entre autres, et mille jugements sont explorés par à travers une immense correspondance digne de Voltaire (lettres échangées notamment avec Freud, Charles Péguy, Malwida von Meysenbug – l'amie de Wagner, Sofia Bertolini, Jean Marnhold, , Charles Kœchlin, … ). Rolland surprend par la justesse de sa pensée, y compris sur ses contemporains, Stravinsky, Janáček, Chostakovitch, situés parmi les plus grands. Sévère parfois, le critique n'a jamais la brutalité gratuite de Florent Schmitt. On apprend que Romain Rolland jouait merveilleusement du piano, mieux que Busoni et André Walter, selon Zweig, talent confirmé par le pianiste que fut André Gide.

Un ouvrage qui rend compte, brillamment, d'une culture où la musique joue un rôle formateur fondamental, ouvrage qui mérite des traductions.

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