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Un beau divertissement à quatre mains

Le label polonais Dux nous fait revisiter quelques pièces classiques écrites ou transcrites pour quatre mains, en réunissant le couple belgo-polonais et pour un enregistrement Schubert/Brahms/Ravel.

Le Divertissement à la Hongroise de Schubert est une belle évocation de la mélancolie des plaines d'Europe centrale. Le premier mouvement est le plus réussi au point de vue de l'expressivité : il s'ouvre par une plainte lugubre, puis se transforme en une ritournelle paysanne dont l'écho se modifie au fil des variations. La partie Primo, tenue par , est un chant aux accents merveilleusement authentiques. Il y a dans ses cascades et ses trilles une ivresse que ne parvient pas – et c'est tant mieux – à tempérer par ses accords graves. En revanche, la Marche hongroise du deuxième mouvement tourne à la rengaine militaire et s'use bientôt du fait d'un tempo trop lent. Quant à l'Allegretto, malgré tout son ressort rythmique, il s'essouffle aussi avant la fin. Une reprise malvenue prolonge en effet ce dernier mouvement et porte son exécution à vingt minutes ! En dépit d'un jeu irréprochable, on est à bout de patience après un quart d'heure de (ré)écoute : le fabuleux thème en si mineur est devenu lancinant.

Le disque reste dans le même répertoire folklorique avec les trois premières Danses hongroises de Brahms. La Danse n°1 ne manque certes pas de caractère : chaloupée à souhait, elle résonne – est-ce la prise de son ? – comme dans un tripot. La deuxième, plus brillante, hésite entre un cri de désespoir et des passages insouciants réellement dansants : le premier donne le frisson, mais les seconds sont un peu empotés. La Danse n°3, enfin, fait semblant d'avoir le cœur léger alors qu'elle couve un terrible tourment ; absolument glaçante. On regrette que les deux pianistes n'aient pas poursuivi plus loin avec Brahms. Ils auraient pu s'épargner – et à nous aussi – un interminable Boléro.

Si l'œuvre fameuse de Ravel ne fait pas débat dans sa version orchestrale, la pertinence d'une version pour piano, fût-ce à quatre mains, est loin d'être évidente. Le renouvellement du timbre, qui donne tout son intérêt à la partition initiale, n'est bien sûr pas possible ici. Mais la transcription ne procède à aucun abrégement et donne un résultat extrêmement répétitif. Il ne reste que la performance : bravo à d'avoir répété l'ostinato cent soixante-neuf fois sans défaillir ! Quant au thème, il ne varie même pas d'octave ; c'est tout juste si les accords de s'enrichissent à l'ultime fin. Vraiment, cette version est à bannir des salles de concert et des studios d'enregistrement !

On ne laissera pas ce dernier morceau gâcher notre plaisir. Dans l'ensemble, le disque fait redécouvrir les joies du piano à quatre mains, conçu ici comme de la musique de chambre à part entière.

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