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Le Quatuor Hagen, dans la force de l’âge

Trente ans de quatuor pour la famille Hagen ! S’il ne joue «que» depuis 1987 dans la formation actuelle (avec Rainer Schmidt comme second violon), l’ensemble fête dignement cet anniversaire en entreprenant une nouvelle série d’enregistrements pour le label Myrios (après 45 disques gravés pour Deutsche Grammophon).

Loin de se reposer sur ses lauriers, le quatuor va (très) loin dans ses recherches musicales et force est de constater que cela lui réussit plutôt bien.

L’opus 59/2 de Beethoven dégage une énergie considérable. Le rendu méticuleux des nuances dynamiques donne tout son relief à la musique (Allegro initial et Finale. Presto) tandis que la structure est mise en valeur sans artifice rhétorique inutile. Ainsi, le mouvement lent, Molto Adagio, est joué de manière très cohérente. Les interprètes, qui ne perdent jamais le fil du discours, évitent la dissolution musicale et formelle de ce chant magnifique. Le fugato du «thème russe» (Maggiore) qui interrompt l’élan lyrique de l’Allegretto est parfaitement traité et l’on soulignera, dans le finale, la prestation magnifique de Lukas Hagen (violon I) dont les démanchés sont parfaits, tant sur le plan de l’intonation que du point de vue stylistique.

Le «cas Mozart» est plus épineux. La lecture se veut analytique mais laisse un peu perplexe car tiraillée entre deux tendances qui peuvent a priori sembler antinomiques. D’un côté, le style est influencé par la technique des instruments «anciens» et de l’autre, la modernité -souvent négligée- du langage mozartien est soulignée (certains passages sont harmoniquement très osés pour l’époque). Reste que l’Andante con motto, qui en déstabilisera plus d’un, est d’une humanité troublante. Avec des nuances parfois imperceptibles et un sens de la respiration génial, les Hagen touchent au sublime. Dans le menuet qui suit, ils insistent subtilement sur l’inspiration rustique chère à Haydn –à qui le groupe de quatuors auquel appartient ce K. 428 est dédié. Moins «intellectuelle» qu’il n’y paraît au premier abord, cette interprétation est faite de partis pris intéressants, même si certains posent question. Une marque de richesse, sans doute…

Chacun à leur manière, les recueils de Webern sont saisissants : l’opus 5 est joué avec une énergie électrisante tandis que les géniaux aphorismes qui constituent les 6 Bagatelles semblent décliner les différentes nuances d’une même couleur (là où d’autres les traitent de manière plus kaléidoscopiques). Les Hagen explorent de manière sublime toutes les effets sonores voulus par le compositeur (col legno, sul ponticello, etc. ). Un grand moment !

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