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Régis Campo, le vide et le plein

Régis Campo s'est établi sur la jeune scène musicale française par des œuvres telles que Commedia, le Concerto pour violon ou le tout récent Bestiaire, créé en 2008 par Dame Felicity Lott. À l'écoute de ces pages, on peut décrire son style personnel comme l'union d'une grande vitalité rythmique et d'un certain humour musical, qui apporte une certaine dose de fraîcheur dans le paysage de la musique contemporaine, sans pour autant renier une évidente qualité d'élaboration intellectuelle.

Le présent enregistrement présente ses quatuors à cordes, un volet certainement plus intime que les œuvres que nous venons de citer, et qu'on découvrira ou réécoutera avec un plaisir évident. Dépassant le présupposé qui voudrait que les compositeurs forcent leur art dans le difficile exercice du quatuor, il apparaît évident que n'a pas trahit ses options esthétiques. Au fil de ses œuvres, on discernera donc sans mal les diverses facettes de son style, quoique nuancées d'un peu plus de noir que de coutume.

Les facéties sont au rendez-vous, comme dans le Quatuor n°2, qui se plaît à faire passer ça et là quelques bribes de l'ouverture de la Flûte Enchantée, avant de conclure sur une citation pleinement assumée cette fois de l'air de Papageno «Ein Mädchen oder Weibchen», mais défigurée à tel point par les pizzicati que cela semble de mauvais goût, de l'ordre du rire forcé, d'une bonne humeur qui cacherait quelque sombre pensée.

Et cette sombre pensée, elle nous donnée tout de go, que ce soit dans Les Heures Maléfiques ou Ombra Felice. L'une se complaît dans une rythmique rageuse, forcenée, entrecoupées d'instants plus fantomatiques, cependant que l'autre est une sorte de transfiguration ambigüe, car non dénuée de soubresauts dramatiques, quand la transfiguration suppose la paix que rien ne trouble. Ces deux pièces, qui sont comme le miroir inversé l'une de l'autre, mettent de côté le caractère solaire du style de leur auteur pour explorer des facettes plus sombres, teintées d'angoisse et de mal aise. Effet garanti.

À l'écoute de ces œuvres, il est clair que se plaît à jouer avec la supposée unité de la formation quatuor. Ses partitions ne manquent certainement pas de puissants tutti, mais ils alternent avec des espaces plus poétiques, produits par la superposition de temporalité différentes. Il n'est pas le premier à le faire, loin s'en faut, mais soulignons que ces espaces ouvrent l'horizon de son discours et permettent à l'auditeur de se recentrer par rapport aux sons qu'il écoute ; il est libre de se focaliser sur telle ligne mélodique, de goûter telle rencontre de notes, telle relation.

The Life & Soul of His Imagined Landscape conclue fort maladroitement ce programme. La superposition temporelle est ici évincée au profit d'une simple opposition de plans sonores, qui semblent s'ignorer superbement les uns les autres. L'atmosphère créée est encore celle d'une méditation douce-amère, sans que cette œuvre partage la même hauteur de vue, la même immatérialité que Ombra Felice. On la verrait bien accompagner le travelling final d'un film, par exemple, tant elle semble conclure quelque chose qu'elle n'a pas même commencé.

Pour conclure, il est clair que peut remercier les membres du , car c'est un bel hommage qu'ils lui rendent avec le présent enregistrement, tant leur technique impeccable et leur science du quatuor conjuguées réalisent idéalement ces belles œuvres exigeantes pour les interprètes.

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