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Joan Sutherland dans les Puritains, on ne chante plus comme çà !

A l'écoute de chanteurs des années cinquante ou soixante, certains critiques radiophoniques sont prêts à affirmer qu'aujourd'hui « on ne chante plus comme çà ! ». A ce qui peut paraître à leurs oreilles comme une façon démodée de chanter, cet album donnera crédit à leurs assertions. En effet, on ne chante plus comme çà. Et c'est bien dommage.

Peut-être qu'effectivement, plus personne n'est aujourd'hui capable de chanter ainsi. Un regret que nous confiait la légendaire soprano Renata Scotto alors qu'elle affirmait « pour que l'opéra italien retrouve sa vérité, il faut qu'il redevienne italien. Avec ses excès. Alors il déclenchera l'enthousiasme. »

Avec le certain renouveau du belcanto, les scènes de nos théâtres et les studios réunissent les chanteurs actuels, vedettes des écrans télévisés et les projettent dans les studios d'enregistrements pour leur faire graver indifféremment des opéras de Verdi, de Wagner, de Haendel, de Mozart, de Bellini ou de Donizetti. Peu importe le style, ils ont les notes de la partition.

En 1960, le Festival de Glyndebourne monte I Puritani qu'on n'avait plus joué depuis 1887 avec une créant sa première Elvira. Avec une voix qui ne semble n'avoir aucune limite, elle impose une fraicheur vocale de tous les instants à la jeune fille promise. Quelle ligne de chant, quel legato, et quelle aisance dans les vocalises. Et déjà quel style ! La célèbre romance « O rendetemi le speme » et les airs qui la suivent valent à eux seuls de se procurer cet enregistrement tant La Stupenda s'y révèle extraordinaire. Un chant extatique qui la porte au-delà du simple beau chant. Elle n'est plus dans le contrôle vocal, elle est habitée, débordée par la jouissance de sa propre voix. Passant de la cantilène amoureuse à la folie dévastatrice de l'abandon, elle bouleverse. Non seulement les auditeurs que nous sommes, émerveillés au bord de nos haut-parleurs, mais on sent que la scène, ses collègues, l'orchestre, comme la salle sont envahis par la vague de son interprétation. Et ces aigus ! Renversants.

De son côté, le ténor Nicola Filacuridi chante agréablement même s'il ne possède pas les suraigus qu'on a l'habitude d'entendre dans cette partition. La distribution donne à entendre le légendaire baryton français Ernest Blanc dont le legato reste un modèle du genre.

Dans la fosse, la direction de se veut rigoureuse. A dessein. Il tient ainsi l'ensemble, du plateau même s'il laisse les chanteurs s'étendre dans le belcanto.

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