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David Fray triomphe à Vienne

Se produisant pour la première fois au Konzerthaus de Vienne, avait inscrit Mozart et Beethoven à son programme, ô combien consensuels, entre lesquels il a alterné pourtant avec aisance et originalité. Son style excentrique n'a pas rebuté le public viennois, si souvent francophile, charmé par ce jeune pianiste aux airs mystérieux.

La soirée ne fut rien d'autre qu'une démonstration de talent. À ceux qui doutaient encore de son épaisseur, a prouvé sa grande maîtrise du répertoire classique et préromantique. La Sonate n°8 en ré majeur de Mozart est interprétée avec grâce et humour, mais des accents beethoveniens percent déjà et la fougue de Fray donne à ces trois mouvements d'apparence légère une dimension presque épique.

Dans la Sonate «Pastorale» de Beethoven, il se montre capable de tendresse, en dépit des embûches tendues tout au long de l'œuvre. Sa main gauche, inflexible dans l'accompagnement, ne l'empêche pas de faire chanter voluptueusement les thèmes du premier mouvement et du Rondo final. L'Andante et le Scherzo forment une parenthèse interne que Fray prend le temps de développer, bien que le ton de la sonate y soit tout autre ; il fait bien, car à vouloir s'en débarrasser, il aurait bien mal abordé le Rondo. Au terme de cette première partie, la salle lui est déjà toute acquise.

Retour à Mozart avec sa Fantaisie en do mineur K 475, qui tisse cinq mouvements entre eux. Fray est le fileur de cette œuvre composite, à qui il donne une continuité rêveuse, jamais prévisible. L'absence d'intention manifeste fait le charme de l'ouvrage, dont il se dégage une surprenante impression d'improvisation.

Le ton change, évidemment, avec la Sonate «Waldstein» de Beethoven. Concentré mais nullement tendu, Fray s'y montre particulièrement brillant et explosif. Chose rare : il obtient des applaudissements dès la fin du premier mouvement. Après un Adagio feutré, il déploie pour le Rondo final une vaste gamme de nuances et de tempi, montrant qu'il peut être un pianiste «total». Ces dix dernières minutes sont le résumé de l'heure passée : virtuosité, sensibilité, force et caractère.

Fray revient trois fois sous les applaudissements : jouant d'abord les deux dernières Scènes d'enfants de Schumann d'affilée, il reprend ensuite le recueil du début avec Von fremden Ländern und Menschen. Il conclut enfin par une pièce de Bach, son compositeur de prédilection.

est un magnifique pianiste, mais certains à-côtés de son jeu sont perturbants, voire agaçants : cultivant son côté Glenn Gould, on l'entend chantonner pendant les morceaux ; il n'hésite pas non plus à sauter sur son siège, martelant le sol à grand bruit ; de même, il ne peut s'empêcher de finir une pièce dans l'attitude du Christ en croix. Il est regrettable que son prodigieux talent doive s'accompagner de ce cabotinage. Malgré tout, ce concert-plébiscite témoigne d'abord de l'écho exceptionnel rencontré par Fray à l'étranger ; on ne peut que l'en féliciter.

Crédit photographique : David Fray © DR

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