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Bach par Busoni, Busoni par Baglini

Les transcriptions pour piano de d'après sont presque devenues des œuvres originales tant elles se distinguent de la partition pour orgue du maître allemand. nous les fait revisiter avec brio, nous transportant hors de l'ère baroque.

On sait que l'habitude prise au XXème siècle de jouer les œuvres de Bach pour clavecin au piano leur a permis de conserver une inépuisable actualité. Il en va de même pour l'orgue : le piano rend intemporel et éternel ce qui, sur un autre instrument, s'inscrit d'emblée dans un courant esthétique déterminé. Il a fallu la main géniale de Busoni, virtuose de légende, pour qu'au tournant du dernier siècle une foule de chorales, de préludes et de fugues entre dans l'immortalité par la grâce du piano.

Bien sûr, la marque de Bach est reconnaissable – harmonies classiques et contrepoint rigoureux – et l'on s'en félicite ; transcrire n'est pas trahir. Il est même jubilatoire de retrouver des motifs familiers, renouvelés toutefois par un subtil arrangement. Baglini épouse à la fois les contours de l'écriture de Bach, superposant à la perfection les lignes mélodiques, et l'esprit nouveau insufflé par le transcripteur. C'est un Bach presque romantique qu'il donne à entendre, du moins beaucoup plus expressif et sentimental que celui du Clavier bien tempéré.

On retient en particulier l'extraordinaire Fantaisie chromatique suivie de sa Fugue (BWV 903) qui, même réduite au piano, possède la puissance sonore des grandes orgues. Les Préludes et Fugues BWV 552 et BWV 532 frappent moins par leur densité que par leur caractère imagé et fleuri : allègres, dansants même, ils ne sont pas frivoles pour autant, loin s'en faut – on a du mal à s'imaginer Bach frivole ! Baglini se garde bien d'en rajouter, car cette musique se suffit à elle-même : sans enthousiasme supplémentaire, en observant strictement les nuances indiquées et sans s'écarter du tempo, il obtient un résultat enjoué, jamais exubérant.

Le cœur du disque est formé de six Préludes de chorale qui, quoique de dimensions plus modestes, sont d'une grande élévation musicale et peut-être même spirituelle – après tout, ne s'adressent-ils pas à Dieu ? Là encore, Baglini est parfait. Grâce à son toucher exemplaire, une prière sans parole s'échappe merveilleusement timbrée de sous ses doigts et trouve un sens profond. Un sacré interprète pour une musique sacrée !

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