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Andrew Litton dirige Stravinsky

Solide routier des pupitres et chef très expérimenté qui a assuré des mandats à la tête d'orchestres comme ceux de Dallas ou Bournemouth, le chef anglais peut se flatter d'une imposante discographie plus impressionnante quantitativement que qualitativement. Après des enregistrements Tchaïkovski (Virgin), Chostakovitch (Virgin), Ives (Hyperion), Mahler (Delos) et Mendelssohn (Bis) qui n'avaient pas marqué la discographie, le chef se révèle dans un disque Stravinsky aussi judicieux que personnel.

Dans Petrouchka, Litton ne cherche pas à tirer l'œuvre vers un concerto pour orchestre ou à souffler des braises modernistes, mais il replace la partition dans une filiation rimskienne avec un splendide travail sur les couleurs de l'orchestre et l'imbrication des thèmes. Certes, le chef semble parfois retenir un orchestre qui ne demande qu'à s'affirmer, mais son sens de la narration et des effets font, que cette lecture combine le raffinement des détails et la progression narrative. L'auditeur se retrouve réellement sur une place festoyante d'un village de campagne avec tout ce qu'il faut de paysans enivrés, de montreurs d'ours débonnaires ou de forains farceurs. L'orchestre répond au quart de tour valorisé par une prise de son Bis. Elle place l'auditeur au cœur de l'orchestre avec un réalisme et une précision qui, comme toujours avec ce label, atteignent des niveaux superlatifs.

Le Sacre du printemps ne cherche pas non plus à faire sauter la banque façon Salonen (DGG) ou à radiographier la masse orchestrale (Boulez-DGG), mais à mettre en avant la motorique et la radicalité d'une orchestration anguleuse. Les pupitres de percussions sont bien placés en avant mais avec ce qu'il faut de retenue (ce n'est pas le concerto pour grosse caisse et orchestre que James Levine déploie dans son enregistrement pour DGG). Le tout sonne avec logique, sens des gradations et une parfaite gestion de la masse instrumentale. Qui plus est, les tempi, légèrement retenus au regard de certaines tornades orchestrales, permettent au chef de construire une arche orchestrale véritablement futuriste et carénée.

Certes, la discographie de ces œuvres est barrée par des références redoutables, mais la vision personnelle du chef et la précision de son orchestre, sans oublier la beauté de la prise de son, font ce cette galette, une lecture moderne passionnante. Enfin, on ne peut que remercier, encore et toujours Bis, qui reste toujours une référence éditoriale, à une époque qui voit les labels autoproduits se multiplier avec des conceptions parfois baroques du fini des prises de son.

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