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Jacopo Foroni, un belcanto suédois

En 1848, fuyant l'insurrection de Milan contre les Autrichiens à laquelle il avait pris part, part pour le Danemark, en tournée comme chef d'orchestre, avant d'être contraint d'émigrer en Suède, une crise économique et politique ayant vidé les théâtres de Copenhague de ses riches nobles.

A Stockholm, la troupe, dont Foroni fait partie, est acclamée dans ses représentations d'opéras italiens. En reconnaissance au peuple suédois qui l'a si bien accueilli, s'attaque à la composition d'un opéra en honneur à la Reine Christine. On y retrouve les thèmes chers aux drames du belcanto, l'amour, l'hyménée, la conjuration, la désillusion et l'abdication

Au moment où Foroni quitte Milan, Giuseppe Verdi avait déjà composé une bonne dizaine d'opéras et son influence sur le monde de la musique lyrique est immense. Tout comme celle des Donizetti et autres Bellini. La mode est au bel canto. Dès lors, il n'est pas étonnant de retrouver cette parenté dans la musique de Foroni. Son opéra historique raconte l'abdication de la Reine Christine de Suède que le librettiste attribue à sa conversion au catholicisme, son aversion du mariage et plus encore sa passion secrète pour Gabriele Magnus et le futur roi Carl Gustav. Tradition du bel canto oblige, tout y est : l'ouverture avec des cuivres à profusion, des chœurs spectaculaires, des airs d'un lyrisme éclatant. Reste que le compositeur italien sait s'y prendre pour charmer l'oreille avec des mélodies où l'on se surprend à se balancer à leur rythme. Les orchestrations sont riches parfois un peu pompeuses, mais c'est de « l'italien du 19e siècle ». Une Italie qui était très en vogue dans les pays scandinaves. Une façon nordique d'avant EasyJet de recevoir du soleil !

L'enregistrement de cette rareté laisse entendre des chanteurs s'investissant dans le plus pur esprit de l'œuvre. Même si parfois il semble évident qu'on ne domine pas les subtilités de la langue de Dante, on chante « italien » ! A commencer par le ténor (Gabriele) qui malgré quelques difficultés d'ouvrir sa voix à la clarté des sons latins reste bien convaincant. La seconde partie de l'enregistrement révèle les voix éclatantes de la soprano (Cristina) et puissantes du baryron Kosma Ranauer (Axel Oxenstjernaa). La fin du second acte et la plus grande partie du troisième sont occupés par les « grands airs » de l'héroïne qui laissent encore une fois apprécier l'écriture de , comme la belle santé vocale de .

La qualité de cet enregistrement reste sans doute à attribuer aussi à la direction d'orchestre de qui assimile parfaitement l'esprit de la tradition musicale de cette période de l'opéra italien. Si on aurait aimé que les chœurs aient une meilleure diction italienne (je ne sais pas ce que les chœurs des Arènes de Vérone seraient à même de présenter s'ils devaient chanter un opéra de Kurt Atterberg (1887-1974) ou de Wilhelm Peterson-Berger (1867-1942) !), l'orchestre de l'opéra de Göterborg sait avoir les nuances nécessaires à l'accompagnement des chanteurs.

Qui sait si dans les vingt prochaines années, un théâtre programmera cette rareté dans sa saison ? Dans le doute, les amateurs de bel canto seront bien avisés d'acquérir cet enregistrement qui, sans doute, disparaîtra, lui aussi, des étalages des disquaires.

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