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Les caprices de Rachel Barton Pine

Si est l'une des interprètes phares du label américain Cedille Records, ses albums n'ont jusque-là bénéficié que d'une couverture médiatique négligeable en Europe. On reçoit donc celui-ci comme une bonne surprise car, en dépit d'un titre passe-partout (Capricho latino), la violoniste nous livre une prestation de haute tenue. Artiste atypique –elle milite activement pour la diffusion de la musique classique tout en menant une carrière « parallèle » dans le hard rock- la jeune femme nous explique dans la notice qu'elle s'adonna dès le plus jeune âge au répertoire pour violon seul afin que sa famille, plutôt pauvre, n'ait pas à payer un accompagnateur pour la seconder… Ce récital prouve toute son habileté en la matière.

Des arrangements proposés ici, on se serait passé de quelques inepties (la Ballada española, fameux thème de Jeux interdits, va aussi mal au violon que la moustache de Dali à la Joconde). Ailleurs, Barton Pine impressionne par sa technique renversante (elle excelle comme peu d'autres dans le staccato et les pizzicatos de la main gauche !) et sa solide musicalité. Et la Sonate n°6 d'Ysaÿe de trouver ici une lecture particulièrement intense. La virtuose tire souvent profit de l'expérience acquise dans le hard rock pour insuffler une implacable énergie rythmique à la musique et laisse parfois sonner son magnifique Guarneri del Gesu de 1742 comme le violon électrique dont elle joue parfois (dans les Aires de Tango que José Serebier lui a dédiés notamment). Il faut malheureusement souligner que, si la prestation de Barton Pine est pleinement enthousiasmante, ce récital est composé de pièces d'inégale valeur. Outre les arrangements déjà mentionnés (seul celui de l'Etude Tango n°3 de Piazzolla semble vraiment défendable), l'œuvre finale, Ferdinand the Bull d'Alan Ridout, ne présente par exemple qu'un intérêt limité. Les seuls anglophones profiteront de la collaboration d'Héctor Elizondo, acteur habitué aux seconds rôles hollywoodiens employé comme narrateur dans une page que l'humour « cartoonesque » parvient à peine à relever. En somme, on recommandera surtout ce disque aux amateurs de (très) beau violon, aux fans de (ils existent, outre-Atlantique) et aux curieux désireux de découvrir des pièces enregistrées ici pour la première fois (Cordero, Espejo, González et White).

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