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Edouard Oganessian, référence pour les chorals de Brahms

Retrouver sur un disque l’orgue monumental de Riga est un moment rare de bonheur musical. Récemment, nous avions admiré chez Hortus un Via Crucis de Liszt sur cet instrument qui demeure l’un des plus beaux du monde. On ne croit pas si bien dire puisque à l’époque de sa construction en 1883, il était avec ses quelques 124 registres, répartis sur quatre claviers et pédalier, l’orgue le plus gros du vieux continent. Par chance ce spécimen qui reste l’un des plus significatif construit par la dynastie des Walcker nous est parvenu intact depuis sa réalisation et se présente à nous aujourd’hui magnifiquement restauré.

Venons en à la musique : L’œuvre pour orgue de Brahms qui nous est proposée ici semble idéalement avoir été écrite pour ce type d’orgue : après deux préludes et fugues de jeunesse, impétueux à souhait, Brahms compose ses fameux onze chorals de l’op. 122, à la toute fin de sa vie, sorte de testament musical, aux côtés de son requiem allemand. Les sonorités larges, abyssales de l’orgue font d’emblée de cette version, une vision inédite. Nous y retrouvons parfois l’atmosphère de l’orgue Cavaillé-Coll de Saint-Ouen de Rouen, c’est-à-dire un orgue céleste, avec un lit de jeux de fonds phénoménal, sans jamais qu’aucune sonorité tranchante ne vienne perturber un discours d’une beauté incomparable. Comme Bach, Brahms écrit ses chorals comme l’Orgelbüchlein, de manière concise et étonnement efficace, sans une note de plus ou de moins.

Edouar Oganessian, est excellent : déjà remarqué pour un récent enregistrement Mendelssohn, il nous propose une vision extatique de cette œuvre, par des tempi retenus, sachant à tout moment faire chanter les jeux et les notes, magique ! Par le passé, Jean Boyer nous avait aussi offert une grande version, justement sur un orgue romantique allemand, indispensable pour les équilibres sonores de cette musique, de même que Jean-Pierre Leguay à l’orgue de Rouen, cité précédemment, pour les mêmes raisons. Ici les jeux d’anches sont traités de manière plus douce et fondue avec les jeux de fonds que dans l’orgue français, ce qui procure une pâte particulière. Les jeux de solos sont inouïs chez nous, en particulier une espère de clarinette (physharmonica), somptueuse dans certains chorals.

On l’aura compris, ce disque est une référence, non seulement dans l’approche stylistique de l’organiste qui déclame cette musique à la manière d’un chœur du Requiem, mais aussi par la présentation d’un orgue historique gigantesque,  miraculeusement sauvé, et d’une valeur inestimable, instrument qui stimula en son temps Franz Liszt et Max Reger.

 

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