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Frederick Delius, le Mississipi et la Norvège en SACD

Sir plus fort que Sir Thomas Beecham dans Delius ? Non !?… Si !

Après une Crown of India de Sir Edward Elgar remarquée (Clef ResMusica) et un programme Holst moins notable incorporant les fameuses Planètes, Davis s'attaque avec succès à deux œuvres de Delius qui pour être importantes dans la vie créatrice du compositeur ne comptent pas parmi ses plus populaires.

Appalachia, version révisée en 1902-1903 d'une première tentative orchestrale et ajoutant un chœur final avec baryton, évoque le Mississipi, ses marécages et le chant des esclaves noirs. Si Delius n'a semble-t-il pas vu le Mississipi et est arrivé aux Etats-Unis après la fin de l'esclavage (il y était arrivé en 1884 pour développer une plantation d'orangers, avant de rapidement la quitter pour se concentrer sur sa carrière musicale),  c'est en Floride qu'il avait pu entendre, le soir, le chant des travailleurs noirs au repos, et qu'impressionné par leur « sens de la musicalité » et leur « créativité harmonique », il avait ressenti le besoin de s'exprimer par la musique. Le chant évoque la séparation d'un couple, l'homme en esclavage étant vendu par son maître à un autre planteur de coton.

Autre latitude, autres altitudes, mais également œuvre initiatique pour Delius, The Song of the High Hills évoque une nuit d'été dans les montagnes norvégiennes. Delius aimait se rendre en Norvège avec sa femme l'été, jusqu'à ce que sa santé le lui interdise. La composition de cette œuvre lui fut difficile, mais il la considérait finalement comme l'une des œuvres dans lesquelles il s'était exprimé le plus totalement.

Sir Thomas Beecham ne semble pas avoir prisé particulièrement ces deux pièces. Il ne laissa qu'une seule version d'avant-guerre d'Appalachia à la prise de son trop précaire pour rendre justice à l'œuvre (même avec le remastering soigné publié par Naxos). The Song of the High Hills le laissa longtemps froid, et effectivement son enregistrement de 1946, curieusement hâtif et nerveux, manque de l'hédonisme nécessaire et constitue même un des points faibles du coffret EMI English Music – Delius (Clef ResMusica) qui est superbe par ailleurs.

Sir John Barbirolli et Sir Charles Mackerras, aidés par la stéréo, sont plus convaincants que Beecham, mais Davis établit une référence pour ces pièces, qu'il dirige comme de grands œuvres. On n'évite pas un sentiment de tunnel dans le mouvement intermédiaire de The Song of the High Hills, où Delius tente de créer un climat de sustentation dont il n'arrive plus très bien à se sortir, mais pour le reste Davis fait merveille. Le chef donne de la densité aux variations d'Appalachia, il insuffle une sorte de sensualité platonique au Song of the High Hills, les gradations vers les climax sont naturelles, les fortissimos sonnent sans être clinquants, tout cela est frais, vivant.

Le soin apporté à la prise de son – il s'agit du premier SACD consacré à Delius – et au livret illustré est réjouissant, et marque comme un regain d'enthousiasme pour ce compositeur. Un disque marquant dans la discographie délienne.

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