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Giuseppe Di Stefano, à la redécouverte de l’art du ténor

Figure légendaire de l'opéra italien de l'après-guerre doit une grande partie de sa notoriété à son partenariat musical avec Maria Callas. Non pas que son talent fut à l'ombre de la diva grecque mais avec l'emprise que la Callas prenait dans le monde de l'art lyrique, le ténor sicilien profita amplement de l'aura formidable qui se bâtissait autour de la soprano.

Si à dix-sept ans, il remporte son premier concours de chant, c'est en 1944, alors qu'il était réfugié de guerre en Suisse, qu'il enregistre ses premiers disques grâce au directeur de Radio Lausanne. En 1946, de retour en Italie, il fait ses débuts dans la Manon de Massenet à Reggio Emilia. Le début d'une ascension fulgurante qui devait le conduire au Metropolitan Opera de New-York en 1948. Puis la rencontre avec Callas dans La Traviata à Sao Paulo devait sceller le début des succès du ténor.

Les enregistrements proposés dans ce coffret datent de la période la plus prolifique du ténor. Fort de ses succès à Mexico, à La Scala de Milan, les studios d'enregistrement s'arrachent le ténor. Ainsi EMI comme Decca se livrent une concurrence impitoyable pour éditer les disques de . Au point que l'un comme l'autre de ces producteurs gravent les mêmes titres de chansons napolitaines.

Cette réédition des disques 33 tours de la firme Decca révèle un di Stefano au sommet de son art. Si les chansons napolitaines restent des tubes que Mario Del Monaco, et avant eux Beniamino Gigli, voir Enrico Caruso ont gravé à profusion, les reprises de révèlent quelques petits bijoux qu'on ne se lasse pas d'entendre. Ainsi, parmi les chansons italiennes souvent d'une écriture musicale et d'un accompagnement orchestral sirupeux, la voix nuancée de Di Stefano reste d'un charme renversant. Ce qui frappe dans ces plages, comme dans celles qui couvrent les chansons napolitaines, c'est l'extraordinaire ouverture de la voix du ténor sicilien. Jamais, il ne semble avoir de limites à ses aigus. Le passage du médium à l'aigu se fait sans aucune aspérité, comme de l'eau claire qui coule. Et toujours cette parfaite prononciation. A écouter ses extraordinaires sons filés dans Fili d'oro, et son magnifique Addio, sogni di gloria.  Un régal !

Les extraits d'opéra enregistrés quelques années après les deux volumes précédents recèlent de telles perles qu'à elles seules, elles justifient l'achat de ce coffret (déjà édité à prix sympathique). Parmi celles-ci, son E lucevan le stelle de Tosca est un véritable moment de grâce. Entonnant son chant avec toute la douleur de la mort prochaine, avec ses mezza-voce uniques, Giuseppe Di Stefano offrent là une version de référence jamais égalée de cet air.

A compléter ce très beau coffret, l'enregistrement de L'elisir d'amore de Donizetti que le ténor enregistre en 1955, aux portes de laisser derrière lui le tenore di grazia qui jalonne ses premières années de chant. Si cette version n'est pas la référence de cet opéra, la prestation du ténor sicilien reste un exemple de beau chant. Bien sûr, on se précipite sur son Una furtiva lagrima où l'on découvre un sublime di Stefano, régalant l'auditeur de quelques mezza-voce comme lui seul avait le secret et avec une ligne de chant absolument superbe. Et quelle diction ! C'est alors qu'on découvre le bonheur de son chant avec ses autres interventions. Comment passer à côté de son sensible Quanto è bella, quanto è cara ! et son émouvant Adina credimi, te ne congiuro.

Avec ce coffret, la redécouverte du ténor mythique des années soixante devrait permettre freiner les ardeurs critiques dithyrambiques qu'on distribue un peu trop facilement à certains ténors actuels.

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