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Georg Böhm magnifié par Bernard Foccroulle

Depuis de nombreuses années, nous a habitués, entre autres, au répertoire organistique baroque allemand. A la suite d'intégrales Bach, puis Buxtehude, particulièrement remarquées, voici qu'il nous propose ici un autre compositeur d'importance : . A l'écoute de cet enregistrement, ce compositeur s'impose comme un artiste majeur dans cette Allemagne des orgues de la fin du XVII° siècle et du début du XVIII°. Son inspiration puise ses sources dans cette grande école polyphonique initiée jadis par Sweelinck, ainsi que dans la musique française dont il eut connaissance à la petite cour de Celle. L'influence de l'Allemagne moyenne est perceptible également, se rapprochant parfois étrangement de Johann Pachelbel, son contemporain. En bon allemand, il est un puissant fédérateur des styles. Ses préludes et fugues évoquent le nord et Buxtehude, ses chorals d'avantage le sud, et sa manière d'orner la musique s'inspire directement de Lully.

On imagine combien tout cela eut un impact sur le jeune Bach de quinze ans, venu écouter ce maître reconnu, et même sans doute étudier avec lui la technique du jeu et la facture d'orgue. Bach y fera son miel, tant les similitudes sont troublantes : la seule écoute du choral orné « Vater unser » évoque irrésistiblement un choral de Leipzig, par son cheminement harmonique, ses développements et ses rebondissements. Dans un manuscrit daté de 1700, Bach signale qu'il est bien disciple de Böhm. On se souvient aussi que Bach utilisa le système d'ornementation dit « à la française » à l'inverse de celui dit « à l'italienne », pourtant utilisé par Buxtehude qu'il rencontra peu après. Ce fut ce choix décidé auprès de Böhm qu'il conservera tout au long de sa vie, même si l'Italie l'inspira pour d'autres styles (aria da capo par exemple).

Le choix des œuvres présentées ici est passionnant et résume bien l'art de ce compositeur, même si nous pouvons regretter que ne nous ait pas proposé une intégrale, ce qui n'aurait demandé qu'un second disque. Pour l'heure plongeons nous avec délices dans les puissantes sonorités de l'orgue d'Alkmaar, si célèbre depuis la deuxième intégrale Bach de (Archiv) parue à la fin des années 60. Construit par la famille Van Hagerbeer en 1646 dans un immense buffet de24 piedsde haut, orné de volets et avec un positif de dos, agrandit en 1725 par Franz Caspar Schnitger, cet orgue rappelle celui que connut Böhm alors organiste à l'église Saint-Jean de Lünebourg, aujourd'hui excessivement transformé. De plus l'orgue d'Alkmaar a bénéficié en 1986 d'une superbe restauration par la firme Flentrop.

Avec cet orgue, l'un des plus beaux d'Europe, a fait là un choix judicieux pour traduire ces pages : son jeu est comme toujours très apollinien, tout en préservant une sensibilité et un art du discours remarquables. Les registrations sont choisies avec beaucoup de goût, privilégiant souvent les jeux d'anches, soit en configuration d'ensemble (consort) ou en jeux de détail. La prise de son est très réussie, malgré une hauteur immense, et une acoustique large. Le détail est respecté, c'est fondamental dans ce répertoire. La discographie de cet auteur n'est pas si importante, le présent enregistrement en fait un élément précieux et de référence pour la connaissance de ce compositeur, qui nous réserve encore quelques agréables surprises.

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