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Hèctor Parra, entre mélancolie et fulgurance

Si la mélancolie, une thématique que propose la Cité de la Musique du 8 au 12 novembre, traverse l'ultime œuvre de Kagel empruntant à Heine ses derniers vers écrits sur son lit de mort, la nouvelle pièce du catalan que l'EIC donnait en création mondiale dans la Salle des concerts semble au contraire nourrie d'une énergie prospective qui regarde vers l'avenir; et même si ce compositeur inspiré et passionnant dit inscrire au coeur de sa pensée la composante tragique de l'existence humaine. Caressant l'horizon est sans doute la partition la plus audacieuse et impressionnante écrite à ce jour par un compositeur à l'imaginaire foisonnant ; l'œuvre renvoie à son opéra Hypermusic Prologue (2009) qui sollicitait la collaboration de la physicienne Lisa Randall et l'assistance de l'électronique. Fasciné par les grandes théories physiques du XXème siècle, Parra dit avoir porté plus loin, et avec les seules ressources instrumentales cette fois, l'exploration acoustique d'une matière sonore soumise à l'épreuve du choc des « trous noirs », ces « seuils infranchissables où l'énergie est la plus forte ». Cette violence tellurique engage une texture sonore extrêmement riche mais toujours contrôlée que le compositeur soumet à des métamorphoses spectaculaires. Durant les 30 minutes d'un jaillissement continu n'autorisant que de courts répits finement consentis, l'écoute est toujours stimulée par la fulgurance du geste instrumental qui opère par strates sonores superposées, libérant une zone de résonance scintillante et constellatoire. A la tête de musiciens très investis, Emilio Pomárico en donne une interprétation lumineuse, d'un geste précis et puissant qui sidère.

« Ta berceuse est mon chant de mort » écrit Heine dans le premier des quinze poèmes choisis par Kagel pour composer In der Matratzengruft (Dans le matelas-tombeau) qui sera également son chant du cygne. L'oeuvre, dont nous entendions ce soir la première française, ne sera crée qu'en 2009 à Munich, après la disparition de Kagel. Elle convoque 18 instruments solistes que le compositeur fait intervenir en alternance, suscitant des associations de timbres singulières : la harpe et la trompette bouchée en ouverture, le violon et la contrebasse dans un déchant étrange ou le piano seul pour accompagner « le sort des poètes ». Dans l'écriture instrumentale, Kagel délaisse ici tout humour et dimension théâtrale pour suivre presqu'à la lettre – comme une sorte de parabole musicale précise-t-il – les images et sollicitations du poème dont le ténor – émouvant – donne à entendre le chant syllabique et sans pathos: un cheminement non dénué de monotonie/mélancolie, comme une fin de vie, qui s'achèvera sur la parole nue, saisissante de beauté, de .

© Tània Parra

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