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Staier et Lubimov sur instruments d’époque

Deux concerts en une journée sur trois pianos à queue d'époque et de fac-similé, de surcroît par d'excellents interprètes, voilà de quoi régaler les oreilles d'amateurs.

A 15 heures, propose un programme Schubert sur le fac-similé d'un piano à queue Conrad Graf (Vienne, 1826) réalisé par Christopher Clarke. L'instrument à mécanique viennois, à timbre perlé et d'une puissance surprenante pour l'époque, est doté de cinq pédales : basson, una corda, céleste, forte, janissaire. La pédale una corda, peut-être associée à celle de céleste, étouffe totalement le son et produit un changement de couleur frappant, comme un jeu de registre d'orgue. Staier, en fin connaisseur d'instruments anciens, en tire le maximum de profit par une utilisation subtile des pédales mais aussi grâce à une grande clarté de discours dans son interprétation.

A 20 heures, , un autre spécialiste du clavier ancien, interprète quatre œuvres en ordre chronologique, avec deux raretés extrêmes : La mort de Marie-Antoinette du compositeur tchèque Dussek et la Sonate « L'Amante disperato » de Hérold. La première, sous-titrée « Tableau de la situation de Marie-Antoinette, reyne de France, depuis son emprisonnement jusqu'au dernier moment de sa vie, rendu par une musique allégorique composée par Jean-Louis Dussek », rassemble treize pièces qui, sous leurs titres naïfs (« Elle réfléchit sur sa grandeur passée », « les derniers adieux » « la guillotine tombe »…), renferment des caractères très variés. La Sonate du jeune Hérold, composée en 1812, fait alterner des passages à grande virtuosité et des mélodies mélancoliques. Ses deux mouvements et WandererFantaisie de Schubert sont interprétés sur un piano à queue Brodmann (Vienne, 1814), et Dussek et Beethoven sur un fac-similé d'un piano Erard (Paris, 1802). Si le son du Brodmann est plus proche du piano moderne et plus puissant, Erard possède une sonorité semblable à celle du clavecin, de même que sa forme. Cela représenterait le goût viennois et français de l'époque, hormis l'évolution spectaculaire de la facture. Les multiples pédales donnent un autre visage à des morceaux que l'on connaît, comme l'a montré Lubimov en enfonçant totalement la pédale una corda tout à la fin de « La Tempête » et en utilisant d'autres pédales à des moments différents de la partition.

Crédit photographique : © Eric Manas

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