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Jean-Luc Ho fait dialoguer Bach et Couperin

Les disques sont des objets bénis qui nous permettent souvent de faire de passionnantes découvertes. Tel est le cas ici, non pas avec le programme, mais bel et bien avec l'interprète et le clavecin. , jeune claveciniste est certes déjà connu dans le milieu de la musique baroque, essentiellement comme continuiste au sein de diverses phalanges, ou comme concertiste également à l'orgue baroque.

Il signe pourtant ici un premier disque qui permettra, et c'est mérité, de le découvrir enfin pleinement, et de l'apprécier dans son instrument de prédilection, qu'il fréquente depuis l'âge de huit ans. Il est à remarquer que ce musicien fait partie d'une nouvelle génération ou l'apprentissage initial du  piano n'est plus une obligation, et qu'une technique solide et sans doute plus adaptée, peut naître de la fréquentation des claviers anciens. On sait leurs dimensions différentes de celle des pianos modernes, et la manière de les aborder bien différente. D'ailleurs ces questions ne se posaient pas à l'époque baroque ou le piano n'existait pas encore, en tout cas sous sa forme définitive, et où naquirent tant de virtuoses.

L'autre découverte, de taille, que nous offre ce disque, est le clavecin d'Emile Jobin, copie d'un instrument historique de Jean-Claude Goujon datant de 1749. Il s'agit d'un exemplaire unique et significatif inspiré de la facture flamande des Rückers, alors en vogue. Le travail remarquable du facteur moderne abouti en 1983 à un clavecin dont le son se situe à la croisée des chemins entre les styles flamands et français, entre le rauque et l'aérien.

Cela tombe bien ! C'est ici un instrument idéal, judicieusement choisi par pour évoquer cette rencontre au sommet Bach-Couperin. Point d'éparpillement mais une seule œuvre par compositeur : Bach et sa gigantesque Ouverture à la française, et Couperin avec un Ordre entier. Point.

Bach atteint un sommet avec cette œuvre extrêmement développée, inspirée de ses grands suites pour orchestre, augmentée de nombreuses danses inhabituelles, qui en font une super partita, que d'ailleurs certains claviéristes n'hésitent pas à associer aux six partitas officielles dans leurs intégrales discographiques. Le ton de si mineur, tant chéri par Bach, apporte un climat grave et profond, que le claveciniste développe dans un jeu d'ombres et de lumières. La captation du clavecin est remarquablement équilibrée, pas trop rapprochée, mais claire et légèrement réverbérée, ce qui fait respirer la musique au rythme des divers mouvements de danse. Miraculeusement, mais est-ce vraiment un hasard, Couperin se retrouve chez lui aux côtés de son collègue germanique. Plus tournée vers la tradition et le passé, au regard de celle de Bach résolument dirigée vers l'avenir, la musique de Couperin reste merveilleusement écrite pour le clavecin. Qui plus que lui sut mieux comprendre ses qualités sonores ? L'utilisation particulière du registre bas-médium, en est l'une des plus belles preuves.

On se délectera donc, en écoutant ces pages universelles, dans ce dialogue retrouvé et complice entre deux maitres, au sommet de leur art, et qui pourtant ne se rencontrèrent jamais physiquement, comme Bach et Händel, ou Beethoven et Schubert.

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