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La pâle lueur de l’aube

L’ensemble de musique ancienne La Morra, rejoint par Arianna Savall et Petter Udland Johansen, s’attèle au répertoire de la chanson espagnole du temps des Rois Catholiques. Fruits de dramaturges de renom ou d’auteurs anonymes, les formes simples de ces chansons dessinent les contours de textes forts, à la gloire d’une Espagne reconquise. D’autres, plus humbles, dans la tradition de la chanson franco-flamande, chantent l’amour courtois et pastoral.

C’est surtout ce dernier type de chansons qui fait l’objet du programme de Luz del Alva, programme principalement basé sur le recueil Cancionero Musical de Palacio de Madrid, source sans laquelle de nombreuses chansons seraient perdues.

Beauté, clarté, simplicité résument les attraits des airs du recueil. Certaines pièces polyphoniques sont remarquables, comme la Gracia de vos, donsella, une des plus anciennes chansons polyphonique espagnole qui nous soit parvenue.

La voix claire et mélancolique d’Arianna Savall se prête tout particulièrement aux chants d’amour courtois, notamment dans la chanson Dindirín, ou encore dans le tendre Al alva venid. Petter Udland Johansen, un peu austère, apporte une chaleur toute nordique dans les rares chansons à référence politique du programme, chansons qui se veulent pourtant poignantes, sinon épiques, comme dans Alburquerque, long récit strophique relatant les exploits des princes royaux lors du siège d’Alburquerque en 1430.

Les pièces instrumentales du programme mêlent subtilement les combinaisons des timbres des bois, des cordes et des percussions, montrant la beauté de l’écriture musicale des pièces dans leur simplicité et leur délicatesse. Dans la Calata Spagnola, un très beau dialogue s’instaure entre flûte et violon qui rivalisent de facéties virtuoses et enjouées.

L’on regrette que le programme de chanson ici présenté ne comporte pas plus de chansons épiques, racontant de manière plus précise, et plus vibrante, ce qu’a été cette période charnière et déterminante de l’histoire de l’Espagne. Le choix a peut-être été volontaire, car pour chanter les chansons plus politiques, peut-être aurait-il fallu être réellement pétri et convaincu de l’histoire que l’on conte.  C’est à celui qui chante d’accepter d’être cybille, d’accueillir ce qui peut être fort et dramatique pour contribuer à transmettre ce qui fait, plus encore que la qualité sonore, la qualité d’âme de ces chansons.

Mais le disque est agréable pour le travail d’exploration des possibilités sonores de l’instrumentation et des voix, qui se trouve renforcé par une prise de son de qualité.

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