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Esprit viennois avec Daniele Gatti

Si l'on en croit la programmation du National, a un faible pour la musique viennoise. Après son intégrale Mahler, voilà qu'il met à l'honneur Schubert, et saupoudre encore un peu de Berg ! On aurait tort de s'en plaindre, a fortiori à propos de ce concert, entre grand répertoire et curiosités.

L'« Inachevée » introduit le concert, et donne le ton général, entre gravité et mélancolie. Le premier mouvement est réussi, l'orchestre épousant bien les brusques sautes d'humeur de la partition, ce qui démontre sa grande élasticité en matière de palette sonore. On a néanmoins regretté que l'exposition de la forme soit reprise ; il nous a semblé que les surprises de la musique s'y estompaient. Le second mouvement quant à lui était un pur régal, tout juste un peu longuet, mais d'un « divine longueur » pour reprendre le mot de Schumann.

La suite nous offrait une curiosité, l'arrangement pour orchestre du lied « Der Hirt auf dem Felsen » par Carl Reinecke. Relativement développé, ce lied bien connu des mélomanes possède en outre une partie instrumentale concertante pour clarinette, ce qui en fait une oeuvre certes à part dans la production du compositeur. Le projet de Reinecke montre ses faiblesses dès l'introduction, où l'équilibre entre la clarinette et l'orchestre peine à s'installer. Ce n'est qu'avec l'introduction de la voix que les divers plans se stabilisent, ce qui se traduit en fait par un orchestre qui veille à ne pas jouer trop fort, qui ose à peine marquer les temps – en un mot, qui marche sur des oeufs. Un pianiste suffisait.

Nous n'avons cependant pas boudé notre plaisir à écouter ces pages, qui nous ont permis d'apprécier le timbre de . La soprano possède de belles qualités vocales, un timbre chaud, une intonation très précise et une diction irréprochable, quoiqu'un peu trop sensible aux qualités percussives des consonnes en allemand. Les nombreuses vocalises qui émaillent le lied étaient bizarrement rendues, pour ne pas dire forcées, et accompagnées de grimaces telles que l'oeil en venait à se focaliser sur le visage de la jeune chanteuse – par ailleurs fort joli au repos.

On retrouvait après l'entracte dans les deux parties chantées de la Lulu-Suite de Berg, où elle se révélait plus convaincante en Lulu puis en comtesse Geschwitz qu'en pâtre. En ce qui concerne les parties purement instrumentale, le Rondo initial est un moment particulièrement déconcertant pour l'auditeur, sans que les qualités de l'orchestre soient à questionner : la musique semble surgir de partout à la fois, les lignes mélodiques s'entremêlent, apparaissent, disparaissent sans raison apparente ; une écoute en situation de concert n'y suffit pas ! Ces pages obscures sont heureusement contrebalancées par l'Ostinato et les Variations, plus linéaires, cependant qu'on ne résiste pas au bel et terrible Adagio final.

Crédits photographiques : © Marco dos Santos

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