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Sir Charles Mackerras chez EMI entre 1956 et 1991

Avec ce coffret de 5 CD, la série Icons de EMI rend hommage au chef australien natif de New York, Sir , dont la carrière discographique s'étendit de la fin du 78 tours à l'ère la plus moderne de l'enregistrement numérique. Il ne faut d'ailleurs pas se fier à la photographie d'un Mackerras encore bien jeune ornant ce coffret, pouvant laisser croire que nous avons là les enregistrements princeps du chef, puisque sont réunies ici des prises de studio allant de 1956 à 1991, illustrant assez bien, autant que très partiellement, la versatilité du répertoire très étendu de ce chef qui ne peut se résumer en cinq petits CD.

Il disait lui-même « J'ai toujours voulu devenir musicien, j'en étais tout simplement fou. Il fallait que je le devienne car rien d'autre ne m'intéressait ». Il le deviendra de différentes façons, puisqu'après avoir tâté de divers instruments dans sa jeunesse, il se lança dans les arrangements dès l'âge de quinze ans pour le Sydney Symphony Orchestra puis s'essaya à la composition, qu'il abandonna trouvant lui-même que sa musique n'était rien d'autre qu'une « Kapellemeistermusik » de plus. Il se consacra alors essentiellement au métier de chef d'orchestre, tout en réalisant quelques arrangements, dont les plus fameux sur des musiques d'Arthur Sullivan sont incluses dans ce coffret. Sa plus grande fierté, en tout cas ce qu'il revendiquait lui-même comme étant sa contribution majeure au monde de la musique, était son travail sur l'œuvre de Janáček dont le cycle des opéras enregistrés pour Decca avec rien moins que le Philharmonique de Vienne est, encore aujourd'hui, un joyau inégalé. Chef curieux, il a toujours été intéressé par « l'authenticité » et la comparaison entre ses enregistrements initiaux et ultimes de Mozart -par exemple- montre une incontestable évolution stylistique, qui valut d'ailleurs un beau succès critique à ses derniers disques. Mais s'il y a bien dans ce coffret une symphonie de Mozart (la n°40) et un Janáček (la Sinfonietta), la première enregistrée en 1975 est bien trop classique pour sortir du lot, et la seconde avec le Pro Arte Orchestra en 1959 manque de panache, de dynamisme et de couleur orchestrale et constitue une relative déception (on préférera la version Decca incluse dans le coffret opéra déjà cité).

Le plat de résistance de ce coffret est triple avec la Symphonie n°7 de Dvořák (1991), la Symphonie n°5 de Mahler (1990), et Le Sacre du Printemps (1987). Pris séparément aucun de ces trois enregistrements ne serait classé au sommet de la pile, mais on y trouve de bons exemples du style Mackerras, avec des tempos qui ne perdent jamais le sens de la motricité, une vigueur rythmique franche sans être ostentatoire, une force virile dans la dynamique orchestrale et les contrastes quasi constante, des couleurs orchestrales qui n'essaient jamais de faire joli au point parfois de devenir impersonnelles, sans toutefois sacrifier l'expression. Si on ne crie pas au génie à chaque fois, on ne peut qu'admirer le grand professionnalisme de ces réalisations et même être impressionné par la force hargneuse qui se dégage de certains passages du Sacre (sans doute l'œuvre à extraire de ce coffret s'il devait en avoir une), ou chez Mahler et à un degré moindre Dvořák.

Un troisième pan de cet album est consacré à la musique anglaise, sérieuse (Delius, Elgar) ou légère (Sullivan, Coates). Il apporte à ces derniers toute la qualité « grand orchestre » qui, alliée à une connaissance intime des ces œuvres, en particulier les Sullivan qui accompagnèrent toute la vie du chef, en font sans doute des versions de référence. On retrouve chez Delius et Eldar toute la vigueur et le sens narratif qui caractérisaient le chef dans deux interprétations très vivantes. Enfin l'album est complété par de petites curiosités comme ces deux pièces de Brahms et Franck chantées par Elizabeth Schwarzkopf avec son style inimitable (deux pépites) et trois extraits du Messie datant de 1966, encore dans le style de l'époque mais sans la pompe élisabéthaine qui l'accompagnait souvent alors.

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