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Moby Dick version lyrique

Créé le 30 avril 2010 à Dallas, Texas, le Moby-Dick de , jeune coqueluche emblématique  du petit monde opératique américain, repris le mois dernier à Calgary, puis ce mois-ci à San Diego, en attendant San Francisco à l' automne 2012  … et mieux, s' avère d' emblée promis hic et nunc, en seconde « création », aux plus gros succès.

L'on en espérait pas moins de l'auteur de l' étonnant Dead Man Walking (2000). Le livret de Gene Scheer privilégie quatre ou cinq « chapitres » de l'énorme pavé d'Herman Melville (si mal ficelé, et qui vous part dans tous les sens pour petit à petit s'effilocher au gré des vents), se concentre, nous concentre sur le personnage du capitaine Ahab, sur son désir obsessionnel et revanchard, qui atteindra in fine à l' horreur, à travers les rapports qu' il entretient avec Starbuck, Pip et quelques autres.  Ainsi boulonné, verrouillé, le livret fait mouche. La mise en scène, violemment animée, expressive, pertinente et franche, nous cloue sur place, c'est-à-dire sur le Pequod, qui -nous surgit dès les premiers instants en plein visage, énorme et monstrueux, dantesque, comme peut l'être un vaisseau fantôme, comme a pu l'être en son temps l'HMS Indomitable. Nous serons ainsi bringuebalés trois heures durant, témoins impuissants d'une obsession, sur un océan de vents et de glaces, d' un bleu-blanc acide et cru, imperceptiblement ouaté.

Ahab ( l' époustouflant , au timbre frais, jeune, solide et convaincant … un timbre de force dix… et qui remplace ainsi au pied levé un Ben Heppner indisposé), sinistre, cynique, pétri d' orgueil (ce péché seul le perdra), exécré de tous, mû par la colère et la rage, tel un autre Claggart, atteint au mythe.  , au timbre chaud, pleinement barytonant, incarne un Starbuck généreux, miséricordieux.  Le mousse Pip (, au soprano libre et délicat) restitue, lui,  au cast un brin d'innocence et de joie. Une loyauté sans faille, un sens inné de l'amitié préservent, puis rachètent un Greenhorn (l'Ishmael du roman) qui sera en fin de parcours le seul survivant du drame. N'oublions ni , ni Matthew O'Neill, ni , tous excellents. Les chœurs, omniprésents, soutenus le San Diego Opera Orchestra dirigé par un survolté, projettent à plein ces ardeurs, ces emportements, ces fougues si proches de ceux des plus grands chœurs wagnériens.

La musique de , superbement tonale, et dans laquelle s'infiltre ici et là, comme pour mieux marquer un thème plus ou moins récurrent, un dodécaphonisme avenant légèrement évasif, est écrite pour la voix et expose tout au long de l'œuvre de remarquables mélodies. Souhaitons donc bon vent à notre baleinier !… car ce Moby-Dick est à ce jour, et sans conteste, le chef-d' œuvre de .

Crédit photographique : © San Diego Opera

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