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Pour une réhabilitation raisonnable de Khrennikov

Au regard de l'histoire non soviétique est systématiquement défini comme le suppôt d'un régime inhumain, inique et niveleur. On se souvient des déboires parfois mortels que subirent nombre de créateurs condamnés pour déviationnisme, ce fumeux formalisme s'éloignant coupablement du réalisme socialiste. La vie de Chostakovitch qui survécut aux terribles purges staliniennes constitue un cas d'école douloureux. On sait qu'il trouva en Khrennikov un ennemi aussi implacable que parfois stupide et méchant. Mais, pour l'heure, il convient de ne pas oublier que fut également un musicien (pianiste et compositeur), même si son action d'homme et d'artiste ainsi que son catalogue pâtissent presque sans concession de son engagement que l'histoire récente n'a pas validé, plus, qu'elle a vomi et honni. Même si l'individu nous apparaît de prime abord suspect et déplaisant, il n'en demeure pas moins qu'il mérite son titre de compositeur à part entière. Il nous restait vaguement enfoui dans un coin peu fréquenté de la mémoire un enregistrement Melodiya/Le Chant du monde consacré aux deux premiers concertos pour piano avec le compositeur comme soliste et placé sous les directions de  Kiril Kondrachine et Evgueni Svetlanov, un LP datant du milieu des années 1970. Il nous avait semblé que ces partitions ne déméritaient nullement. Pourquoi alors tant d'acharnement à dévaluer des créateurs de la trempe de Prokofiev, Chostakovitch, Khatchatourian et Schnittke ? Ses propres œuvres étaient pourtant largement diffusées dans le pays (musique instrumentale, musique de film, chants, opéras…).

Paraît aujourd'hui un CD sous-titré « The Chamber Music » qui étonnamment propose le Concerto pour piano n° 4 avec orchestre à cordes et percussions (1991) dont l'écoute procure objectivement le sentiment d'une musique certes relativement académique, mais aussi bien construite, logique et non dénuée de pages très réussies. Le Quatuor à cordes n° 1 (1988), courte partition inspirée par Prokofiev nous confirme que le compositeur s'entend à élaborer des musiques qui tiennent largement la route même si elles ne se hissent pas au niveau de celles conçues par les maîtres maltraités sus-cités ? Les partitions introduisant les voix s'avèrent également intéressantes. Cette anthologie fait appel à des artistes russes hautement qualifiés pour défendre un catalogue que l'on aurait tord de mépriser parce que leur auteur, lui, fut sans doute  par trop méprisable.

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