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Einstein on the Beach, nous y étions

Honnêtement qu’est-ce qui change dans cette production d’Einstein on the Beach 2012 par rapports aux versions précédentes ? Les acteurs, danseurs et musiciens certes, et ?

Mais assister à Einstein on the Beach est une expérience qui vaut le coup d’être vécue au moins une fois dans sa vie ; et une seule. Le  propos est inhabituel pour un opéra. La figure d’Einstein n’est qu’un prétexte, l’acteur ayant le rôle-titre étant en réalité un violoniste. Antoine Silverman reste hiératique, assis sur l’avant-scène, immobile. S’en suivent sur scène une série de tableaux humains statiques, répétitifs ou  minimalistes, c’est selon, mettant en scène la vie quotidienne, un jugement, une arrivée de train, une scène amoureuse, une séparation, etc. Et cela pendant 4h15 sans entracte.

Le spectateur entre progressivement dans l’œuvre et en sort quand il veut, les kneeplays, sorte de passages parlés en musique dit par les deux actrices de la production, faisant office d’entracte. Les couleurs tranchantes, oscillant entre le bleu et le rouge, les mouvements répétitifs, la musique – tout autant répétitive – entrainent progressivement l’auditeur dans leur tourbillon. Difficile de réagir autrement face à un spectacle si éloigné des conventions. Le public habituel de l’Opéra de Montpellier ne s’est pas gêné pour manifester son mécontentement, contrebalancé par un afflux exceptionnel de spectateurs de toute la France qui pour rien au monde n’auraient raté cet évènement.

Très honnêtement le rédacteur de ces lignes n’a pas compris l’enthousiasme délirant provoqué par la production. Spectacle présenté en création mais créé il y a 36 ans, l’effet de nouveauté n’y est plus. Le refus de l’action était en 1976 une provocation – aussi exploitée par John Cage, György Ligeti ou Mauricio Kagel. En 2012 c’est devenu un standard terriblement daté. Chaque élément pris séparément – musique, mise en scène, chorégraphie – n’a rien d’exceptionnel ; en revanche l’alliage des trois fonctionne. Et on ne peut se poser la question de la viabilité de l’œuvre en dehors de ses créateurs. Ce qui reste époustouflant est la performance des acteurs, dans ce temps étiré, sans points de  repères. L’occasion de dire : « Einstein on the Beach ? oui, j’y étais ». Mais peut-être pas pour sa quatrième création mondiale.

Crédit photographique : © Lucie Jansch

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