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Des Prophéties de la Sibylle aux Légendes de Laurent Martin

Convié par , compositeur et directeur du Conservatoire de Saint Cloud à qui le Centre culturel de la ville avait donné carte blanche, l' (chanteurs et instrumentistes) et son chef émérite franchissaient la Seine ce dimanche 1er avril pour investir le plateau des Trois Pierrots qui leur est désormais familier. Rappelons en effet les liens indéfectibles qui unissent à cet ensemble où il a été en résidence en 2006 et qui lui a déjà joué 18 pièces de son catalogue. Les musiciens redonnaient ce soir une pièce d'envergure, Légendes, sur les textes du compositeur: une commande du Ministère de la Culture et du GMEM dont ils assuraient la création en 2006 à Marseille.

En ouverture, et pour faire écho à une oeuvre liant très intimement le son et le verbe, les chanteurs donnaient a cappella un extrait des Prophéties de la Sibylle de . Cet homme de la Renaissance, associant ici les prophétesses de l'antiquité grecque et l'héritage chrétien, met à l'oeuvre tous les ressorts expressifs de la langue musicale (chromatisme, dissonances, sinuosité de la ligne vocale) pour approcher le mystère de ces textes quasi indéchiffrables. Même si l'on attendait plus de nervures et de relief dans l'interprétation, l'écriture mouvante de ce « génie mélancolique » ne laisse pas d'impressionner et de captiver l'écoute.

Légendes est une oeuvre très singulière, tant par sa conception que par l'aura qui en émane. dit avoir composé le texte en même temps que la musique, un texte se référant aux cinq sens dont « seules quelques bribes sont destinées à une compréhension directe » ajoute-t-il. L'œuvre s'articule en dix mouvements, avec ou sans texte, et se referme par un extrait des Confessions de Saint Augustin psalmodié en latin. Les paroles passent par le chœur, dans un rythme étal et un profil presque litanique, même si les voix alternent différents modes d'émission (syllabique, vocalisé, chuchoté, parlando…) ; le chœur est d'ailleurs en position de retrait par rapport à un ensemble à vent un rien atypique (hautbois, trompette, trombone et cor) avec qui il constitue « un édifice de sonorités archaïques », selon les termes du compositeur. Le soliste – Alexandre Galpérine impérial – est le « héraut » de la Légende (étymologiquement, ce qui doit être lu) et dispense, à travers ses lignes ornementales toutes micro-chromatiques, un commentaire sonore, sorte d'arabesque irradiante qui confère à l'œuvre ses couleurs et son mouvement. Très parcimonieuses, les interventions de la percussion semblent rythmer chaque moment d'un rituel. Laurent Martin le diversifie par des combinaisons de timbres très originales tel cet instant privilégié où le violon en sourdine flotte au-dessus des voix d'hommes litaniques, baignées du seul halo sonore de la grosse caisse.

D'une concentration exemplaire sous le geste très investi de , les musiciens nous convient à cette expérience d'étrangeté et donnent à ce cérémonial tout intérieur ses résonances spirituelles.

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