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La Khovantchina irremplaçable de Boris Khaikine

Certains enregistrements, comme la Tosca de Callas et De Sabbata, la Carmen de Beecham et De Los Angeles, le Tristan de Furtwängler et Flagstad, feront éternellement figure de référence mythique, même si l'on aura pu depuis lors trouver des prises de son plus flatteuses, des textes plus authentiques ou des seconds rôles plus affûtés. Tel est également le cas de cette version historique de La Khovantchina, captée au Bolchoï en 1974.

La direction de Boris Khaikine tout d'abord, pour le deuxième enregistrement de l'ouvrage réalisé par le chef russe, respire le théâtre. Tout est vivant dans cet ouvrage à l'intrigue pourtant complexe, dont on perçoit malgré tout les enjeux historiques, politiques et surtout humains. Il y a en effet du Shakespeare dans cette lecture éminemment dramatique, qui fait ressortir la vérité intime de tous ces personnages, donnant du poids à leurs arguments et surtout une tension à peine soutenable à leurs divers affrontements. Le chœur, on s'en doute, aurait du mal à être plus idiomatique.

Les solistes représentent pour la plupart tout ce que le Bolchoï comptait de mieux en ces années-là. On pourra certes rechigner devant les stridences des deux sopranos, lesquelles ont heureusement fort peu à faire. De même, les ténors et , dans un registre pourtant différent l'un de l'autre, accusent certaines caractéristiques de l'école russe assez peu prisées dans notre monde occidental (nasalité, voyelles excessivement ouvertes, etc.). Les basses et barytons, en revanche, nous régalent des splendeurs vocales d'un univers à la fois étranger et fascinant. Le Dossiféï d' est à lui seul un monument de solidité et de noblesse, mais on aurait tort de ne pas citer également l'Ivan d', superbement caractérisé. Enfin, véritable torche vivante, mélange de Norma, d'Amnéris et de Santuzza, la Marfa d' domine d'encore plus haut un plateau qui ne contient pour ainsi dire aucune faiblesse. Ne serait que pour cette incarnation magistrale, assurément une des plus grandes du XXe siècle, on se précipitera sur ce classique du répertoire, qu'aucune des versions plus récentes de l'ouvrage, et peut-être plus lissées, n'a jusqu'à présent réussi à détrôner.

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