- ResMusica - https://www.resmusica.com -

Gian Francesco Malipiero, le temps de la réévaluation

fait partie de ces compositeurs négligés dont la production pléthorique – plus de 200 œuvres dont 40 opéras et 17 symphonies – paraît finalement  la meilleure excuse pour les laisser dans l'ombre, selon le principe qu'il vaut mieux ignorer ce  qu'on ne peut aisément étreindre.

Né en 1882, Malipiero fait partie de la « génération de 1880 » qui inclut Ottorino Respighi, Ildebrando Pizzetti  et Alfredo Casella. Seul Respighi émergea durablement grâce au soutien d'Arturo Toscanini qui enregistra ses œuvres en 1942 et 1949, lui donnant un statut de compositeur fréquentable sur la scène internationale. Tous pourtant s'accommodèrent du régime fasciste, même si Malipiero perdit les bonnes grâces de Mussolini dès 1933 avec son opéra La favola del figlio cambiato sur un livret de Luigi Pirandello, et si Casella comprit tardivement ses erreurs. L'écrivain était lui-même un proche du régime fasciste. La politique culturelle de Mussolini n'avait pas la rigueur de ses alliés nazis, pour preuve Rome assura la création italienne de Wozzeck d'Alban Berg en 1942, huit ans avant Paris. Quoiqu'il en soit, la Seconde Guerre mondiale balaya cette génération et les grands chefs italiens ignorèrent complètement cette musique démodée et liée à une période politique qu'il était plus simple d'oublier.

Malipiero considérait Impressioni dal vero (Impressions du réel) et Pause del silenzio (Pause de silence) comme ses pièces parmi les plus importantes. Les Impressioni ont été composées séparément en  1910-11, 1914-15 et 1921-22, et les Pause en 1917 et 1925-1926, et Malipiero affectionnait particulièrement les premiers volets de chacune d'entre elles. Les Impressionni ont toutes des titres évocateurs sans qu'aucune soit à proprement parler illustratives. Les Impressionni I ont pour thème les oiseaux, la Fauvette à tête noire, le Pivert et le Hibou, et sont délicieuses. Les volets II et III traitent de la campagne du nord de l'Italie sur fond des événements de la Première Guerre mondiale, dialogue de cloches, tarentelle à Capri ou fête villageoise. On retrouve l'atmosphère de la musique de Frederick Delius, évocation de la nature qui est surtout une occasion pour peindre des états psychologiques, et dont la délicatesse ne se résume pas à l'impressionnisme de la facture.

Pause del silenzio est d'ambition plus abstraite mais avec un arrière-fond national et patriotique, où le compositeur cherche en 1917 à combattre le modèle austro-germanique en faveur d'un idéal italien de la symphonie où « les sections variées se succèdent de manière imprévisible, obéissant seulement à ces lois mystérieuses que l'instinct reconnaît » – selon les propos du compositeur. Avant de donner son titre à Pause del silenzio II, Malipiero a imaginé plusieurs noms et l'œuvre a même été publiée initialement comme « L'esilio dell'eroe » (L'Exil de l'héros). Composée alors que Malipiero s'était immergé durant l'hiver 1925-1926 dans les madrigaux de Monteverdi dont il allait publier la première édition intégrale, l'œuvre constitue une lettre au grand compositeur.

dirige de manière inspirée un Orchestre symphonique de Rome concentré et qui rend un hommage à une figure importante de la musique italienne, dans des œuvres marquantes même si elles ont été ignorées jusqu'à présent. Naxos dispose déjà à son catalogue des symphonies du compositeur par Antonio de Ameida à la tête de l'Orchestre symphonique de Moscou, mais pour l'engagement des musiciens qui jouent enfin « leur » musique, c'est bien ce disque qui fait référence pour découvrir et réévaluer .

(Visited 676 times, 1 visits today)