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Anna Vinnitskaya et l’Orchestre Philharmonique Royal de Liège

, récemment nommé directeur musical et artistique de l'Orchestre Symphonique de Mulhouse avec prise de fonction pour la saison 2013-2014 était à Liège ces dernières semaines. Pour le concert qui nous occupe, le chef d'orchestre présentait un programme copieux, attractif tant pour les œuvres portées aux pupitres, que pour la soliste annoncée en tête d'affiche: , pianiste ayant emporté le premier prix du concours Reine Elisabeth en 2007. La soirée était également marquée par la dernière prestation publique du Concertmeister Richard Piéta après quarante-trois années au service de l'orchestre liégeois. L'émotion était donc palpable au sein de l'orchestre, dès l'entrée en scène de Richard Piéta, véritable figure de l'orchestre pour bon nombre de ses auditeurs.

Alors que l'Opéra Royal de Wallonie annonce une nouvelle saison décevante par l'écrasante prépondérance du répertoire italien prenant des allures de « best of », l'on se réjouissait d'écouter les musiciens de l' dans une pièce plus audacieuse issue de l'univers lyrique: la suite composée par Serge Prokofiev d'après son opéra l'Amour des Trois Oranges. Récemment encore mésestimé, cet opéra connait depuis quelques années un regain d'intérêt croissant de la part de nombreuses maisons d'opéra, souligné par plusieurs captations en DVD et BluRay de qualité. En abordant la suite orchestrale, tire son épingle d'un jeu qui n'est pas des plus évidents. La suite distille en effet six courts extraits de l'opéra très exigeants pour l'orchestre. Il s'agit d'installer d'emblée des atmosphères très appuyées dont la célèbre marche. L'orchestre est discipliné et engagé, mais son interprétation aurait pu gagner en intensité avec un brin de folie supplémentaire chez les cuivres.

Après ces quelques pages de Prokofiev, l'arrivée sur scène du Steinway de concert annonçait un monument du répertoire romantique pianistique: le Concerto d'. Forte des succès qu'elle a rencontré dans les concours de piano les plus renommés, développe aujourd'hui une carrière de concertiste remarquée. Les enregistrements portant sa signature sont également admirablement reçus par la critique. Le concerto de Grieg qu'elle jouait ce soir pour la première fois confirme les qualités du jeu de l'artiste. Sa technique pianistique ne souffre d'aucune faiblesse. Le travail sur les dynamiques est soigné et sans esbroufe. Le pathos facile ne s'immisce jamais dans le jeu de la pianiste qui prend même parfois des allures un peu trop carrées. Les tempi déterminés qu'elle retient notamment dans le troisième mouvement sont la première cause de l'esthétique parfois rigide de ce concerto. Derrière cette petite réserve, soulignons tout de même la qualité de cette interprétation et tout le potentiel qu'elle promet d'ores et déjà. et l' ont accompagné magistralement . A l'exception d'un petit accro chez les bois en tout début de concerto, nous avons apprécié l'énergie commune maintenue tout le long de la performance entre l'orchestre et la soliste. Vinnistkaya a reçu à l'issue de sa prestation une longue ovation du public qu'elle a remercié à son tour par deux bis.

La seconde partie de concert donnait à Patrick Davin l'occasion de boucler son cycle des symphonies de Rachmaninov entamé à la tête de l' en 2007. Boudée depuis sa création par la critique, notons que la Symphonie n°3 trouvait sa place dans un programme de l'Orchestre Philharmonique Royal de Liège pour la première fois depuis la création de l'orchestre! L'œuvre n'est pourtant ni rebutante, ni dénuée d'inspiration. Patrick Davin a d'ailleurs su en dévoiler nombre de ses charmes. L'ensemble de la symphonie est présenté sans réelle faiblesse. Tout au plus le premier mouvement nous a-t-il semblé terne chez les vents dans le premier thème de l'exposition ou chez les cuivres qui auraient pu « vibrer » davantage dans leurs interventions aux accents américains. Les couleurs de l'orchestre gagnent en intensité dans le second mouvement, où les cordes se distinguent particulièrement. Nous retenons ensuite un solo de cor particulièrement abouti, ainsi que le soin apporté aux phrasés des instruments atypiques mis en évidence par Rachmaninov comme le célesta et la clarinette basse. Le solo de Richard Piéta dans le mouvement central et également parfaitement habité. L'acoustique généreusement réverbérante de la salle philharmonique n'est pas la meilleure alliée de Patrick Davin qui parvient néanmoins à solliciter le meilleur des musiciens. Nul doute que la Symphonie n°3 de Rachmaninov retrouvera rapidement sa place au pupitre le l'Orchestre Philharmonique Royal de Liège.

Crédits photographiques : Anna Vinnitskaya © Esther Haase

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