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Luc Petton fait danser les cygnes à Chaillot

Depuis Le Lac des Cygnes, créé par Marius Petipa en 1895 sur la musique de Tchaïkovski, ce majestueux volatile a fasciné le monde de la danse.

Combien de ballerines ont-elles répété inlassablement les ports de bras si caractéristiques de ce ballet romantique, en rêvant d'incarner le rôle d'Odette-Odile ou de la Reine des Cygnes ? Ce phénomène, longtemps cantonné au monde du ballet classique, a connu de multiples relectures iconoclastes, signée Matthew Bourne ou Matz Ek. A la faveur du film Black Swan de Daren Aronovski, l'engouement pour cette histoire d'amour maléfique sise au milieu d'un lac ne se dément pas.

A son tour, , talentueux chorégraphe et ornithologue amateur (quoi de plus naturel, quand on vit en Picardie ?) se penche sur la légende du cygne noir substitué par jalousie au cygne blanc dans Swan. Il poursuit ainsi le travail d'approche ornithologique entamé en 2004 et matérialisé dans La confidence des oiseaux, son précédent spectacle. A première vue, le spectacle pourrait tenir du show de natation synchronisée ou de Marineland. Pourtant, c'est bien de danse qu'il s'agit, autour de la relation ambiguë entre la Reine des Cygnes (incarné par une remarquable danseuse androgyne) et Odette, victime malheureuse de l'ensorceleur Rothbart dans la version classique du ballet.

Contrairement au ballet classique, la dramaturgie de Swan consacre la première partie du spectacle aux cygnes noirs, dans un univers essentiellement aquatique abrité par une longue piscine en fond de scène, avant de céder la place dans une seconde partie aux cygnes blancs, évoluant au sec sur le plateau. Autour de ces animaux, six danseuses-naïades qui font véritablement corps avec eux, se laissant caresser et picorer et réciproquement.

Pour cette transposition, il a fallu à réinventer un vocabulaire chorégraphique à base d'épaulements, de ports de bras et de jambes fléchies, au plus près des animaux que les danseuses incarnent. Guerrières et nerveuses au sol, ces danseuses à la gestuelle très stylisée (on pense à la chorégraphe canadienne Marie Chouinard) se muent en oiseaux au long cou dès qu'elles s'immergent dans l'eau ou volent dans les airs. Les cygnes, qu'ils soient noirs ou blancs, s'intègrent étonnamment dans les danses d'ensemble et répondent aux pas des danseuses, comme le feraient des partenaires masculins. Plus que de dressage, réussit l'exploit dans ce spectacle d'établir entre les danseuses et les oiseaux un véritable dialogue, une conversation familière et poétique.

Crédit photographique : © Luc Petton

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